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7ème Colloque E-PAIRS du 5 juin 2015
En partenariat avec ass.SMT et SNPST

Livret du Colloque

« LA COOPERATION MEDECIN ET INFIRMIER
EN SANTE AU TRAVAIL ET LE DPC »

Alain Grossetête MDT, Chantal Colliot IST, Alain Randon MDT, Gérard Lucas MDT, Véronique Bacle IST, Huguette Martinez MDT, Hélène Ruck MDT, Joëlle Milliez IST, Mireille Chevalier MDT, Katia Wanquet IST, Bernadette Berneron MDT, Dominique Huez MDT

Plan

SEQUENCE 1

1- Clinique médicale du travail et ESTI : la clinique médicale du travail doit être le moteur de l’ESTI

1.1 Quelle approche de la santé au travail ?
1.2 La place centrale de la clinique médicale du travail
1.3 Pratiques infirmière et médicale

Vignette clinique 1Eliane, ESTI dans un contexte de souffrance au travail
Dispute professionnelle-1

 SEQUENCE 2

2- Travailler en confiance, dans un cadre règlementaire connu et analysé au regard des pratiques

2.1 Cadre règlementaire de la coopération MDT IST

2.1.1 Le code du travail
2.1.2 Le code de la santé publique
2.1.3 Les recommandations du CNOM
2.1.4 Circulaire DGT
2.2 Responsabilité des IST, rôle propre, et mission du médecin du travail
2.3 La confiance
2.3.1 La construction de la confiance
2.3.2 La construction de la confiance dans l’équipe médicale
Vignette clinique 2 - Emma infirmière sans collaboration
2.4 Confiance, règles d’intervention, pratiques et règles professionnelles
2.4.1 Quelle forme pour cette collaboration médecin - Infirmier en santé au travail ?
2.4.2 Comment fonctionner en binôme ?
Vignette clinique 3 - Cindy infirmière en confiance et échanges mutuels
2.5 Travailler sur les pratiques professionnelles. Le travail en groupe de pairs

2.5.1 Définition de l’analyse des pratiques professionnelles
2.5.2 Les pratiques professionnelles en santé au travail

Dispute professionnelle-2

SEQUENCE 3

3. Coopération de l’équipe médicale et protocoles. Qu’est ce que veut dire travailler ensemble ? Quel serait le rôle du protocole pour cela ?

3.1 Le médecin du travail confie ou délègue l’ESTI à l’infirmière santé travail ?
3.2 Cadre de l’exercice pour le Travailler ensemble au sein de l’équipe médicale
3.3 Les Protocoles

3.3.1 Chaque Protocole engage la responsabilité du médecin
3.3.2 Le Protocole relatif à l’ESTI
3.3.3 Quel contenu d’un Protocole d’ESTI ?
3.3.4 Protocole de l’exercice infirmier en AMT
Vignette clinique 4Monsieur R., Entreprise de thermo-laquage

3.4 L’importance du Care pour l’ESTI

3.4.1 Eléments réflexifs à partir du curatif pour des repères sur le Care en prévention primaire
3.4.2 Le Care en Santé au Travail ?
3.4.3 Le Care dans les ESTI ?
3.4.4 La place du Care en clinique médicale du travail et dans la coopération médecin infirmière ?
Vignette clinique 5Renato, technicien en électricité

Dispute professionnelle-3

SEQUENCE 4

4. Le métier d’infirmière du travail, les Ecrits en médecine du travail et l’écriture pour chaque métier, le DMST

4.1 Ecrit médical et contribution de l’infirmière
4.2 Bases de l’écriture par l’Infirmier Santé Travail
4.3 Transmissions ciblées
4.4 Choisir un support

4.4-1 Ecriture par l’infirmière dans le DMST
Vignette clinique 6Md P. qui travaille en centre d’appel
4.4-2 Compléter les transmissions ciblées avec d’autres supports
4.4-3 Supports pour tous les autres écrits
Vignette clinique 7Participation de l’IST à la fiche d’entreprise
Vignette clinique 8Etude de poste
4.5 Compléter avec les transmissions orales
Vignette clinique 9Ecrits dans le dossier de l’entreprise

Dispute professionnelle-4

EN GUISE DE CONCLUSION
Repères pour les pratiques professionnelles et Disputes professionnelles

BIBLIOGRAPHIE ET WEBOGRAPHIE

Séquence 1

Clinique médicale du travail et ESTI : la clinique médicale du travail doit être le moteur de l’ESTI

1.1 Quelle approche de la santé au travail ?

Il existe plusieurs approches de la santé au travail :

- approche par les risques, ce qui est une approche assurantielle, représentée par la CARSAT. Le modèle théorique de la pensée des questions de santé au travail est ici largement dominé par les sciences de l’ingénieur. Le risque (par exemple le risque d’électrocution) est évalué a priori[1] par l’employeur dans le document unique d’évaluation des risques, (DUER) comme susceptible de dommage potentiel pour l’homme.
Il s’agit d’ « identifier les dangers[2]» (par exemple le danger du courant électrique). L’objectif est limité à la prévention des AT et MP, avec un objectif d’incitation financière à la prévention vis à vis de l’employeur[3] .
Par ailleurs l’approche par les risques est également l’approche proposée au nouveau métier d’assistant en service de santé au travail[4] . Ce métier est en construction. Il fait l’objet d’une prescription des tâches, fortement modélisée par les directions de services de santé. Le modèle contient potentiellement une vision de la prévention primaire totalement démédicalisée[5] . Il véhicule l’idée qu’il serait possible de penser une situation de travail sans lien avec l’activité et sans lien avec la santé. En tentant de faire l’économie de l’instruction du lien santé travail, elle conduit à une impasse totale vis-à-vis de la possibilité de déploiement de la prévention primaire (dont la cheville ouvrière est l’équipe médicale) au sein du service de santé au travail et à l’éclatement de l’équipe pluridisciplinaire qui dès maintenant manifeste, ici ou là, des tensions avec l’équipe médicale[6] qui en fait partie intégrante.

- approche médicale par les risques, dans une pratique professionnelle très répandue de l’exercice de la médecine du travail. Cette approche comporte un entretien médico professionnel, un examen clinique, et une conclusion (détermination de l’aptitude liée à des mesures contenues d’adaptation du poste dans le cadre de l’article L.4624-1). Cette approche est l’héritage reçu par la médecine du travail de la médecine médico-légale. Dans cette approche, le risque est à la fois extérieur au sujet et ce dernier s’en trouver à l’origine. Il faudrait donc se méfier à la fois du toxique et de l’homme[7] . Cette approche fait l’objet depuis 30 ans de la part de la fraction la plus active de la profession d’une critique aujourd’hui à peu de choses près, achevée. L’avis actuel de cette partie de la profession est que cette approche pourrait laisser la place à une approche par la clinique médicale du travail.

- approche par le « lien santé – travail » avec la clinique médicale du travail. La médecine du travail en tant que spécialité (clinique médicale du travail) s’est refondée il y a une quinzaine d’année, après une gestation au cours des années quatre-vingt-dix. Elle a rejoint en cela les autres spécialités médicales fondées sur une clinique spécifique, alors que la médecine du travail est née de la loi. Cette clinique est déployée par les deux métiers de médecin et infirmier, « personnel de santé » selon le code de santé publique. Elle ouvre un champ immense du côté de la prévention primaire. Les atteintes en lien avec le travail sont considérées comme évitables[8] . Bien entendu l’investigation clinique comporte la revue des risques au poste de travail, mais les risques sont examinés en lien avec l’activité du salarié. Dans son pouvoir d’agir le sujet salarié mobilise son intelligence au travail et déploie une partie de son énergie à essayer de construire sa santé, qu’il en ait conscience ou non[9] : les risques ne sont jamais considérés indépendamment de la part plus ou moins active prise par le sujet pour s’en protéger. C’est là que se situe aussi une partie des enjeux psychiques du travail. Le soutien à cette mobilisation du sujet est une part essentielle du travail clinique: dans cette approche, L’exploration de la subjectivité (celle du salarié et celle du clinicien, qu’il soit infirmier ou médecin) ouvre un champ à la prévention primaire vis-à-vis des atteintes au travail. Le travail est incarné et incorporé[10]. Il s’agit d’une approche individualisée par le corps et les émotions. L’appareil psychique est l’instance de l’issue santé. Le travail ou plutôt plus précisément le « travailler », est considéré dans le rapport qu’il entretient avec le corps et les émotions, (par exemple la peur au travail) et la subjectivité. Le travail peut ainsi contribuer à la construction de l’identité ou à son atteinte.
Car plus globalement, le travail est aussi opérateur de santé dans le sens de construction de l’identité. Examiner le rapport au travail d’un individu ou d’un groupe de travail, en dégageant ce qui est constructeur pour la santé est une contribution de très grande importance du travail clinique à la prévention primaire.

Du point de vue de la clinique médicale du travail, pour le médecin et l’infirmière, la grille de lecture commune est le travail. Le médecin et l’infirmier du travail au cabinet médical y tiennent un point de vue clinique prenant en compte exclusivement le soutien à la santé des salariés dans leur « travaillé ».

1.2 La place centrale de la clinique médicale du travail

La Clinique médicale du travail est le moyen d’analyse et de compréhension du rôle du travail pour la construction ou la détérioration de la santé au travail des sujets. Elle mobilise un modèle de l’homme au travail reprenant les apports de l’ergonomie, de la psychodynamique, de la clinique de l’activité. « Le travail c'est l'activité coordonnée des femmes et des hommes pour faire ce qui n'est pas prévu par l'organisation du travail » (Philippe DAVEZIES).
La compréhension de l’activité de travail du salarié et de ce qui peut faire difficulté dans celle-ci par la clinique médicale du travail, est pour l’infirmière du travail et le médecin la grille de lecture essentielle pour appréhender les «traces» du travail sur le corps, dans un objectif de prévention individuelle et collective. Cela permet de comprendre les difficultés du «travailler » et du «travailler ensemble ». « Prendre le travail comme grille de lecture », c’est donc la prise en compte de l’activité de travail, du « travailler » c’est-à-dire à la fois de l’engagement subjectif singulier, et du travailler ensemble.
C’est ce socle de la clinique médicale du travail qui permet au binôme médecin - infirmière ou infirmier (IST) du travail, d’instruire les liens santé – travail. Il s’agit pour cela, de se faire expliquer comment le sujet s’y prend pour faire le travail, protéger son intégrité, alors qu’il est confronté aux aléas, et parfois à des impasses dans son activité. Un soutien clinique à la santé dans le cas d’un épisode de crise professionnelle est d’aider le salarié à comprendre ce qui lui arrive dans le travail, à passer d’une sidération, suspension cognitive momentanée ou prolongée, à la reprise de l’élaboration.

1-3 Pratiques infirmière et médicale.

Il y a à présent depuis 2011 en santé au travail deux pratiques cliniques dans l’équipe médicale : pratique infirmière et pratique médicale.

- Examinons en premier lieu la pratique clinique infirmière.
Elle comporte un entretien dit ESTI. (Entretien santé travail infirmier) : pour quelle finalité et quelle pratique ?

Au cours de l’ESTI, il y a une recherche de compréhension de la relation qu’entretient à l’instant t, le salarié avec son travail. Les risques professionnels d‘atteinte à la santé font l’objet d’un recueil en lien avec l’activité. Ce recueil contient une dimension individuelle et potentiellement collective. Après L’ESTI Il y a une approche spécifique du corps, avec une prise tensionnelle, mais il n’y a pas d’examen du corps. Il n’y a pas non plus de diagnostic pathologique. Le lien santé –travail est mis en chantier à partir du matériel clinique récolté.
L’ESTI contribue à la mission de suivi médical individuel et collectif, de veille et d’alerte du médecin du travail. Il est tracé dans le dossier médical.
L’ESTI investigue le travail et la santé pour en instruire le lien, et aboutit à l’élaboration d’une contribution infirmière à ce projet. Il s’agit pour l’IST d’un travail de compréhension et d’analyse du travail du point de vue de ce qui compte pour le salarié, de ce qui fait difficulté ainsi que des retentissements de son activité sur sa santé. Il s’appuie sur une approche clinique du salarié dans son travail et de sa parole qui confère la capacité à organiser et à mettre en lien les déclarations de la personne avec les situations de travail et les rapports sociaux de travail.

La pratique clinique infirmière fait de l’Entretien Santé Travail Infirmier une activité clinique. L’ESTI n’est donc pas seulement une collecte de données recueillies par l’entretien, mais une consultation infirmière.

- Examinons à présent la pratique médicale.
La pratique médicale curative est fondée sur le recueil d’une plainte, la recherche de signes cliniques et l’examen du corps, en vue de poser un diagnostic et un traitement. La pratique médicale préventive comporte de notre point de vue, tous ces éléments, même s’il faut s’entendre sur le terme de traitement et parler plutôt dans le deuxième cas de thérapeutique préventive.
La pratique médicale se déploie sur 4 axes. Nous empruntons le passage qui suit à un texte de l’association SMT[11] .

Voici ce qu’écrit l’association SMT :
« Dans ses prérogatives, le médecin du travail déploie son activité dans quatre axes essentiels : l’identification médicale des risques professionnels d’altération de la santé, la veille médicale sur la santé des salariés pour un collectif de travail, la rédaction éventuelle de préconisations individuelles (L4624-1 du code du travail), ainsi que le signalement de risque collectif et l’alerte médicale (L4624-3 du code du travail). Chacun de ces axes d’activité est mis en œuvre notamment grâce à la réalisation de consultations régulières pour chaque salarié.
Dans son activité de consultations, le médecin du travail utilise bien évidemment ses connaissances médicales, mais aussi ses savoirs sur les effets délétères connus des expositions aux risques professionnels. Quand il reçoit un salarié, il connait son poste de travail, il a une certaine connaissance du métier du salarié et des risques qui s’y rattachent habituellement. Dans la consultation, le médecin du travail fait le point sur la santé du salarié, et sur son poste de travail (les modifications éventuelles, les produits utilisés, les procédés, les équipements de protection). Il peut alors prescrire des examens complémentaires, pour le suivi de ces expositions. Il fait des liens entre la santé du salarié et les risques auxquels il est exposé. Il peut l’informer des effets de ces risques sur la santé et des moyens de s’en protéger. Ce travail est complété par la connaissance des postes dans l’entreprise quand il s’y déplace. La spécificité de ce métier est en grande partie liée à cette connaissance médicale de l’ensemble des salariés d’une entreprise, et de leur environnement professionnel. Cela permet ensuite de conseiller l’employeur pour la prévention des risques professionnels de manière ciblée dans son entreprise, pour l’aider dans sa responsabilité d’assurer la santé physique et mentale des travailleurs du fait de leurs conditions de travail (L4121-1). Enfin, ces consultations contribuent aussi à impliquer les salariés dans la prise en charge de leur propre santé au travail par les informations qui leurs sont données. Cette identification des risques professionnels ciblée de chaque salarié dans sa situation unique de travail ne peut avoir lieu qu’avec des entretiens réguliers individuels avec le médecin du travail. Ces entretiens servent également à la surveillance de l’apparition de nouvelles pathologies qui pourraient être en lien avec les conditions de travail, c’est la « veille médicale ». Cette surveillance médicale ciblée pour chaque salarié permet aussi de détecter des signes avant-coureurs de maladies, ce qui permet de prendre des mesures correctives rapidement avant même l’apparition de potentielles pathologies professionnelles. Cela contribue donc à la mission de prévention.
Du fait de cette activité clinique médicale lors des consultations, le médecin du travail peut éventuellement rédiger des préconisations individuelles mentionnées dans l’article L4624-1 du code du travail, « telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs ». A l’instar de ce qui a pu être dénoncé, il ne s’agit pas du tout d’ « avis d’aptitude «avec réserves» (…) avec de telles restrictions qu’ils constituent quasiment une inaptitude » : il s’agit bel et bien de prévoir des transformations préventives, parfois valables pour tout le collectif de travail, puisqu’il parait évident que tous les salariés n’ont pas un corps identique, qu’ils vieillissent et qu’un médecin est bien placé pour conseiller un employeur sur ce sujet. Il s’agit de faire en sorte que le poste de travail n’abîme pas davantage la santé du salarié, ni même celle des autres salariés. Par exemple, quand un médecin du travail conseille de limiter la manutention lourde, il faudrait sans doute penser à améliorer cette situation de manutention lourde pour tous les salariés.
Actuellement, à l’issue des consultations de tous les salariés d’une entreprise, le médecin du travail peut également avoir identifié un risque lié à une organisation du travail ou des traces déjà existantes d’expositions professionnelles. Son analyse précise de la situation lui permet d’être, conformément à l’article L4624-3 du code du travail, un « lanceur d’alerte » et par des écrits motivés et circonstanciés de recommander des mesures visant à préserver la santé des salariés). La légitimité d’une alerte médicale dans l’entreprise apparaît parfois incontournable au regard de la gravité ou du nombre de personnes touchées. Elle est alors transmise à la collectivité de travail pour que chacun des acteurs (employeur, représentants des salariés et médecin du travail) puissent participer à la construction d’une vraie politique de prévention de la santé au travail.
Il est impératif que soient préservés les entretiens réguliers des salariés avec les membres de l’équipe médicale c'est-à-dire l’équipe constituée par le médecin du travail assisté d’une ou plusieurs infirmières du travail formées. Ne pas accorder les moyens nécessaires à leur réalisation serait renoncer à assurer le droit constitutionnel à la protection de la santé au travail. »

L’infirmière participe à l’activité du médecin du travail dans les quatre axes décrits par l’association SMT. L’ensemble de ses constats est donc à confier au médecin. Lors de l’ESTI l’approche par le corps nourrie par la clinique médicale du travail amène l’alerte auprès du médecin. L’infirmière du travail en recueille les éléments pertinents qui font trace sur le corps et le mental .Elle ne fait pas de diagnostic médical mais y participe. Le diagnostic médical individuel et collectif est consolidé avec les éléments apportés par le binôme car le médecin amène pour sa part les éléments qu’il a retirés de l’entretien qu’il a mené, dans un échange avec l’infirmière. Elle apporte sa contribution au médecin qui consolide son diagnostic médical individuel et collectif. La pratique coopérative instaure un échange aussi bien dans le sens médecin-infirmière que dans le sens infirmière-médecin.

En conclusion
L’ESTI n’est pas une activité de substitution du médecin vers l’infirmier, mais un temps clinique assis sur la collaboration professionnelle de deux métiers, à droits et devoirs spécifiques différents, réglementairement définis.
Pour médecin et infirmière, l’approche par le travail structure l’exploration le lien santé travail et du « travailler ». L’Entretien Santé Travail Infirmier (ESTI) avec une approche par la clinique médicale du travail a pour projet de comprendre avec le salarié la place des éventuels déterminants de son activité de travail et des rapports sociaux qu’il y noue pour la construction ou la fragilisation de sa santé. Il a donc strictement le même projet que la consultation médicale de médecine du travail.

Prenons l’exemple d’un salarié rencontrant le médecin ou l’infirmière : après deux ou trois questions du clinicien, il peut, surtout s’il se sent écouté, livrer une sorte de « récit » de son travail infiniment plus riche que s’il est bombardé de questions. S’il n’a aucune difficulté ni au travail ni de santé, le récit est généralement laconique. Il est abondamment documenté au contraire, s’il est en crise professionnelle.

Vignette clinique 1

Eliane, ESTI dans un contexte de souffrance au travail

Examinons un ESTI effectué dans une situation dans laquelle un salarié se présente au cabinet médical en désarroi. Il demande de l’aide. L’ESTI prend alors la forme particulière d’une écoute du salarié qui va raconter ce qui lui arrive au travail. Tout ceci prend alors la forme d’un récit.

Voici une vignette* clinique pour mieux comprendre ce qu’est une approche par la clinique:

Eliane, secrétaire commerciale (SAV pièces détachées) sédentaire 50 ans (traitement des appels, prospection et règlement litiges) arrivant en pleurs. Elles sont 10 secrétaires commerciales dans la société. Eliane ne va pas bien du tout depuis 6 mois ; trouble du sommeil, tristesse, envahissement de la sphère familiale par le travail ; raconte être devenue insupportable avec son compagnon et ses enfants. Se plaint de nausée et d’une « boule » le matin avant de se rendre au travail. Doute de ses capacités.
« Ma chef est toujours sur moi, me fait tout refaire, interdit aux autres de me parler; c’est du harcèlement. Je croule. J’ai des douleurs partout aux articulations. A la maison on ne me reconnaît plus. Après tout ce que j’ai fait pour l’entreprise depuis 20 ans ! Je ne veux pas y retourner. Je veux voir l’infirmière ou le docteur ».

L’approche de cette crise professionnelle va se mener du côté de son travail :

- Derrière le conflit interpersonnel : questionner le travail et le « travailler » : Comment s’y prend-t-elle pour travailler ? Se faire raconter par le menu les tâches, par exemple sur une demi-journée. Qu’accepte –t-elle de laisser filer quand les conditions sont trop

Qu’est ce qui a changé depuis le rachat de la société, période à laquelle correspond le début de ses soucis ? Qu’est-ce que passer des commandes aujourd’hui ? Pourquoi auparavant, n’y avait-il pas de difficulté avec les commandes ? Pourquoi y a-t- il des retours, alors qu’avant il n’y en avait pas ? Comment font les autres secrétaires commerciales ? Pourquoi ces retours sont-ils reprochés à Eliane ?
« Je me plaignais de crouler sous le travail : pourquoi sous prétexte de me décharger, la chef m’a-t-elle retiré le règlement des litiges, -justement ce que j’aimais le plus dans ce travail - pour le confier à quelqu’un d’autre qui vient d’arriver, qui n’y connaît rien, mais qui fait comme la chef elle dit, et moi, je dois en plus passer derrière pour rattraper ses bourdes?
Est-ce moi qui ne sais plus m’y prendre ? Toutes les anciennes qui le pouvaient sont parties, d’autres sont arrêtées. Il y a bien une raison. »

Explorer par le menu le « travailler » : là se trouvent les enjeux subjectifs à comprendre, impactant la santé (la construisant, ou ici, l’affectant).

- Se faire raconter le travail dans le détail :
Que cherche- t-elle à tenir dans le travail, bec et ongles ? A ce moment de l’entretien, elle aborde le travail sur les litiges, qui lui a été retiré. (Elle présente alors un signe émotionnel : son col en V rougit, puis elle pleure). L’entretien vient de toucher un élément très sensible. Elle expose alors ce qu’elle tient pour important : l’idée d’un beau travail. Qu’est-ce qu’un beau travail dans le règlement des litiges ? Comment fait-elle pour que le client reste bien traité dans le litige ? Un beau travail en litige s’efforce de continuer à bien traiter le client, à explorer avec lui comment il pourrait se sortir d’une situation d’endetté, à lui donner des délais. Le client, une fois sa santé financière consolidée, s’en souviendra et restera client. Ses deux collègues (depuis peu retraitées) partageaient avec elle cette règle professionnelle. La règle en question tiendra tant que le collectif de travail tiendra. Mais ensuite il y a deux départs en retraite. Eliane se retrouve alors isolée et en difficultés pour travailler.

Après l’instauration de primes au nombre de clôture de litiges après règlement clients, il y a eu deux CDD « pour l’aider aux litiges ».Les deux nouvelles CDD ne veulent pas se rebiffer vis-à-vis de la chef et « font comme elle dit ».Elles donnent satisfaction à la direction sur le cours terme : les clients sont mis au contentieux, les dossiers font rapidement l’objet d’une clôture administrative et les deux CDD touchent leur prime !
Eliane se voit alors retirer le règlement des litiges et c’est alors qu’elle s’effondre.

Quelques commentaires à partir de la vignette clinique:
Dans cette vignette, le déroulé de l’entretien clinique suit la même trame, même si les référentiels et les objectifs de métier sont différents, qu’il le soit par l’infirmière ou le médecin du travail. Il s‘agit d’une approche clinique par le travail, d’un professionnel relevant du code de la santé publique.
En explorant très finement le travail d’Eliane, celle-ci revisite sa situation et reprend le cours de sa réflexion. C’est pourquoi on parle d’aide à la reprise de l’élaboration, un temps sidérée par une situation qui la fragilise. C’est là l’essentiel du travail clinique.

- Le travail, à l’origine de la dégradation de sa santé. Eliane sait très bien indiquer si l’origine est le travail ou non ; mais ses difficultés sont soit rapportées au caractère de la chef, ou un discours sur sa fragilité personnelle au travail : le fait qu’elle prendrait trop à cœur ce qu’elle fait, soit à quelque chose qui n’est pas identifié et nommé, mais qui se situe dans le travail. L’aider à faire la lumière sur l’origine de ses difficultés est le résultat du travail clinique. Dans le cas d’Eliane le récit du vécu de harcèlement avec la chef cache un conflit sur la façon de faire le travail entre les salariés : il porte sur la façon de traiter un litige client (Entre elle, et les nouvelles embauchées). Ce conflit n’est pas identifié au départ par elle. Il a fallu le travail clinique de questionnement pour qu’il apparaisse à sa conscience.

- Le questionnement sur les symptômes. Le sujet sait très bien les nommer et éliminer ceux qui, proposés, ne sont pas présents chez elle.

- La rumination ou pensée en boucle
Symptôme du mal-être, sur fond de vécu d’injustice (pourquoi m’a-t-on retiré les litiges, ce que j’aimais dans ce travail et pour lequel une compétence m’était reconnue) ; ou de jalousie (pourquoi elle plutôt que moi aux litiges) et de sentiment de culpabilité (j’ai dû peut-être faire une erreur ?).
La rumination attaque l’estime de soi, et peut porter atteinte à terme, à l’identité.

- Le travail de clinique médicale du travail sur le caractère « sur généralisant » de la plainte
Il a pour objet de tenter de faire sortir Eliane d’un discours confus, de sur- généralisation (prémisse à une possible évolution dépressive ). Pour ce faire, reprendre avec elle le « travailler » (hier par exemple) de telle façon que dans son récit, elle se voit elle-même travailler (et que l’infirmière ou le médecin « voient » également son « travailler »). La questionner, repérer ce qu’on ne comprend pas dans ce qui est exposé, et lui en faire part : une partie du discours peut apparaître contradictoire et il importe de le lui dire. La mise en mot du « travailler » examiné très finement facilite la reprise de l’activité cognitive et de la mémoire autour de la chronique des petits évènements du travail, tend à repousser la généralisation de son discours et contribue à l’aider à la reprise en main de sa santé.

- La question de l’élaboration en clinique médicale du travail
Retour aux leçons de l’ergonomie : travail réel, travail prescrit, activité : L’activité ne se limite pas à ce qui est fait (Clot) et toute une partie de l’activité déployée pour faire le travail n’est pas accessible directement à la conscience. La faire apparaître est donc un objet de travail, de la part du clinicien. Faire reprendre conscience au salarié de tout ce qui a été déployé par lui, pour faire le travail ; de la dimension insoupçonnée de son activité contribue à l’aider à reprendre pied. Rendre compte de la légitimité de la posture tenue par le travailleur, contribuant à restaurer l’estime de soi.
Le travail clinique sur les émotions, les objets émotionnellement compétents. (DAMASIO). Ici : le retrait du traitement des litiges. Leur « amputation » est susceptible de transformer brutalement le rapport subjectif au travail de la personne, et à l’origine possible d’atteintes à la santé.
Plus généralement, ce qui ne passe pas par l’activité consciente, ce qui n’est pas élaboré, ou est « impensé » ou impensable, est susceptible de porter atteinte à la santé : que ce soit des atteintes articulaires ou psychiques.

- Entre le clinicien et un salarié en souffrance : un travail inter-compréhensif :
L’activité de travail comme enjeu de santé, est l’objet du travail inter compréhensif entre clinicien et salarié en difficulté. La consultation en médecine du travail met en relation une histoire de travail : les tensions qui structurent la situation de travail, avec l’histoire singulière professionnelle sociale, culturelle, d’un salarié.
La question de l’intercompréhension ne signifie pas que le médecin (ou l’infirmière) et le salarié comprennent la même chose du lien santé / travail.
« Une disponibilité à comprendre avec », un cadre de compréhension à partir du point de vue du salarié et du clinicien. Comprendre les difficultés du « travailler » et du « travailler ensemble ».
In fine, permettre au patient d’accéder lui- même à la compréhension des situations auxquelles il est confronté, à faire des liens, parfois à comprendre ce que le clinicien peine parfois à appréhender : trouvant ainsi par lui-même, dans une autonomie retrouvée, une opportunité d’agir pour sa santé en récupérant des marges de manœuvre dans son travail.

Travail de clinique médicale et prévention primaire. Soutien à l’élaboration et retour du pouvoir d’agir
« La santé est un pouvoir d'action sur soi et sur le monde gagné auprès des autres. Elle se rattache à l’activité vitale d'un sujet, à ce qu'il réussit ou non à mobiliser de son activité à lui dans l'univers des activités d'autrui et, inversement, à ce qu'il parvient ou pas à engager des activités d'autrui dans son monde à lui ». Y. Clot
Le soutien à la réactivation de l’activité cognitive et à la restauration du pouvoir d’agir, se pose en alternative à l’entrée dans la pathologie :
-du Stade de l’altération (sujet affecté), au stade de l’atteinte (sujet malade)
-de la rumination à la dépression professionnelle et aux décompensations.
En médecine du travail, l’intervention clinique précoce est possible : dès le stade de l’altération, (sujet affecté), quand la personne est encore au travail.

Du questionnement sur soi au questionnement sur le travail
Une aide au dépassement de la posture victimaire permet une reprise du cheminement cognitif sur les questions du travail, avec accès à une palette élargie des possibles. Le sujet entrevoit des pistes à explorer, reprend le cheminement de sa pensée pour se sortir de l’impasse, même s’il n’en fait pas état lors de l’entretien.
Passer de la culpabilité, de la fragilisation de soi, à une question qui interroge le champ du travail, ouvre à la mise en délibération collective des difficultés du travail et du travailler : « ramener ainsi dans le débat social les conflits que les salariés portent comme des questions personnelles protège contre le sentiment de dévalorisation et contre les pathologies du stress » (DAVEZIES).

*Une vignette clinique est un cas reconstruit à partir de plusieurs cas cliniques rencontrés pour faciliter la discussion.


Dispute professionnelle-1

Place de la clinique médicale du travail pour l’équipe médicale

  • Approche du clinicien du travail (médecin ou infirmière) en santé au travail: approche clinique par le travail, ou approche par les risques ?
  • L’ESTI est-il cantonné à une approche par les risques ? Et sinon, comment peut-il être une approche par la clinique ?
  • Le décret confère à l’infirmière du travail un rôle clinique avec la pratique de l’ESTI. A quelles difficultés l’infirmière se heurte-t-elle dans son activité clinique ?

Activité clinique du médecin et de l’infirmière

  • Si on avance qu’elle n’est pas identique à celle du médecin, en quoi diffère-t-elle ?
  • Que serait une consultation d’infirmière en santé au travail 

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1-Le législateur épouse également cette conception dans l’évaluation « a priori » des risques du document unique d’évaluation des risques à rédiger par l’employeur (DUER)

2-L’évaluation des risques professionnels-INRS- ED 5018.

3-Par exemple dans la réalisation d’un contrat de prévention entre une entreprise et la Carsat, avec annonce conditionnée à sa réalisation, d’une réduction de son taux de cotisation.

4-Dit ASST, selon la dénomination retenue par l’accord de branche (CISME) du 20 juin 2013

5-Les services de santé au travail quel avenir ? SEILLAN H. 2012, éd. Préventique.

6-Une pratique professionnelle de l’équipe médicale est d’aller le plus possible ensemble sur le terrain avec l’ASST pour l’instruction du lien santé-travail.

7-Par exemple un sujet épileptique et alcoolique, dans cette conception, est un risque au même titre que ceux auxquels il est exposé dans son travail. La logique d’un management par la réduction des risques amènerait à l’en retirer.

8-La maladie professionnelle, dénomination assurantielle, est donc déjà située dans le champ de la réparation, en aval de la prévention primaire.

9-Par exemple dans les savoirs faire de prudence

10-Böhle et Milkau- cités par Davezies et coll –dans « Repères pour une clinique médicale du travail » AMP mai 2006

11-Lettre aux parlementaires-Sur les fondamentaux du métier de médecin du travail pour la réforme de la médecine du travail- A-SMT – décembre 2014.
http://www.a-smt.org/2014/2014-12-12-Fondamentaux.metier.de.medecin.travail-a-SMT.pdf

12-Certaines formes de dépression portent également ce symptôme de sur généralisation, accompagné d’une restriction de la capacité à montrer de l’intérêt pour des champs variés.

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SEQUENCE 2

Travailler en confiance, dans un cadre règlementaire connu et analysé au regard des pratiques

2.1 Cadre règlementaire de la coopération MDT IST

Il y a une double nature d'un acte en médecine du travail selon le code la santé publique et le code du travail. Le décret du 30 janvier 2012 précise que le médecin du travail assure personnellement l'ensemble de ses fonctions. Il exerce ses missions en responsabilité personnelle encadrée par la déontologie, le code de la santé publique et le droit du travail et soumise à un double contrôle social et administratif.

2.1.1 Le code du travail

Le rôle et les missions des médecins du travail et des infirmiers en santé au travail sont définies par le code du travail.
- Les missions[13] des services de santé au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail comprenant notamment des médecins du travail et des infirmiers et que les médecins animent et coordonnent.

- Le médecin du travail[14] est le conseiller de la communauté de travail et l’article R4623-1 énumère ses différentes missions : missions qui s’exercent en direction des salariés et du collectif de travail structurées par des obligations de prévention comportant des examens médicaux et des actions en milieu de travail.

- Si le médecin du travail[15] assure personnellement l'ensemble de ses fonctions, il peut confier certaines activités, sous sa responsabilité aux infirmiers qui doivent exercer leurs activités dans le respect des dispositions du code de la santé publique.

- L'infirmier[16] recruté dans un service de santé au travail est diplômé d'Etat, ou a l'autorisation d'exercer, et doit suivre une formation spécifique en santé au travail dans l’année qui suit son embauche s’il n’y est pas formé.

- Les missions [17] de l’infirmier comprennent deux types d’actes : les actes sous délégation technique directe faisant l’objet de protocoles de la part des médecins et les actes relevant du rôle propre.

- Parmi les actes [18] confiés à l’infirmier, l’entretien santé travail infirmier (ETSI) doit faire l’objet d’un protocole écrit et signé par le médecin du travail.

- L'infirmier est recruté [19] après avis du médecin du travail et exerce des missions [20] exclusivement préventives, à l'exception des situations d'urgence.

2.1.2 Le code de la santé publique

Le champ de l’activité infirmière est défini dans le chapitre 1 du code de la santé publique. Il décrit très précisément les actes professionnels des infirmiers et infirmières [21] :

- L’article R4311-1 du CDSP précise notamment : « l'exercice de la profession d'infirmier ou d'infirmière comporte l'analyse, l'organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et d'éducation à la santé ».

- Il sépare les actes, en actes sous prescription des médecins, et des actes relevant d’un rôle [22] propre qui visent notamment « à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son information et celle de son entourage »

- Il reconnait à l’infirmier les compétences pour prendre des initiatives et accomplir les soins qu’il juge nécessaire conformément aux dispositions des articles R4311-5, R4311-5-1 et R4311-6.

Les règles professionnelles des infirmiers sont précisées au Chapitre 2 du code de la santé publique:

- Les infirmiers [23] sont soumis au secret professionnel et leur indépendance professionnelle est définie par l’article R4312-9 [24] .

- L’article R4312-14 rappelle que « l’infirmier est personnellement responsable des actes qu’il est habilité à faire … » et l’article R4312-49 que, même si le cadre d’exercice est celui d’un exercice salarié [26] , les devoirs professionnels demeurent.

2.1.3 Les recommandations du CNOM [27]

Le CNOM, dans son rapport adopté lors de la réunion du 17 juin 2011, a émis un certain nombre de recommandations concernant notamment :

- les nouvelles missions des infirmiers en santé au travail qui ne doivent pas se cantonner au seul ESTI mais comprendre également des actions en milieu de travail (visites d’entreprise, participation aux réunions du CHSCT) et une action dans l’éducation pour la santé, le contenu et le choix des thèmes étant préparés en équipe médicale par le médecin du travail et l’infirmier en santé au travail.

- La répartition du temps médical et du temps en milieu de travail qui doit être la même que celle du médecin du travail.

- les marges de manœuvre à laisser au médecin du travail dans le choix des populations salariées qui seront suivies par l’infirmier. Il rappelle que l’attestation délivrée par l’infirmier à chaque salarié à l’issue de l’entretien ne se substitue pas à l’avis d’aptitude qui reste de la compétence exclusive du médecin du travail.

- Les visites d’embauche, de pré reprise, de reprise et toutes autres visites à la demande du salarié ou de l’employeur qui restent du domaine exclusif du médecin du travail.

- La formation des infirmiers en santé au travail : elle doit comprendre, en plus de la formation de base, un diplôme universitaire en santé au travail (le DIUST) ou une licence santé travail. Cette formation est ensuite complétée par un tutorat avec le médecin du travail pour l’installation de la confiance dans le binôme médecin du travail /infirmier en santé au travail.

- La composition du binôme avec la nécessité d’un médecin temps plein avec un infirmier temps plein ou au plus 1 médecin et 2 infirmiers

- Les réunions de staff hebdomadaires programmées et institutionnalisées comprenant un temps médical avec la revue des dossiers de salariés problématiques vus par l’infirmier et une partie intéressant l’action en milieu de travail.

- L’orientation d’un salarié par l’infirmier vers le médecin du travail doit toujours être possible

- L’autorité exercée par le médecin sur l’infirmier santé au travail : il s’agit d’une autorité fonctionnelle, l’infirmier restant responsable de ses actes sur le plan technique.

- La possibilité pour l’infirmier santé au travail de toujours pouvoir joindre un médecin du travail en cas de nécessité.

- La mise en place par le médecin du travail de l’organisation de son binôme en toute indépendance professionnelle, sans interférence de l’employeur ou de la direction du service de santé au travail

- La mise à disposition de l’infirmier de locaux équipés et adaptés respectant la confidentialité et d’un système informatique adapté dans des conditions de sécurité et de confidentialité strictes

- Les liaisons avec les autres intervenants de l’équipe pluridisciplinaires : l’infirmier peut recevoir des informations de l’équipe mais il est soumis au secret professionnel et ne peut en retour communiquer de données médicales.

Cette nouvelle forme de coopération peut permettre de conserver un suivi médical individuel pour tous les salariés.

2.1.4 Circulaire DGT [28]

Elle définit les missions de l’infirmier en santé au travail :

- Les missions du rôle propre définies par le code de la santé publique
- Les missions confiées par le médecin du travail, sous sa responsabilité et dans le cadre de protocoles écrits.

L’infirmier est membre de l’équipe pluridisciplinaire, il participe aux différentes actions en milieu de travail notamment :

- Aux actions de sensibilisation et d’information collectives des salariés en matière de santé et de sécurité au travail élaboré par l’équipe et validées par le médecin.
- Au recueil de données dans le cadre d’enquêtes épidémiologiques et de veille sanitaire
- Aux études de poste
- A la réalisation des fiches d’entreprise
- A des actions visant au maintien et l’insertion ou la réinsertion des salariés

L’infirmier est membre de l’équipe médicale : il participe au suivi individuel de l’état de santé, dans le cadre de protocoles écrits par le médecin du travail. Cet entretien s’inscrit dans le suivi périodique des salariés, les visites d’embauche, de pré reprise, de reprise et à la demande restant de la responsabilité du médecin. Cet entretien santé travail infirmier se termine par la délivrance d’une attestation de suivi infirmier ne comportant aucune mention relative à l’aptitude ou l’inaptitude du salarié. L’infirmier peut également réaliser certains examens complémentaires.

Commentaires
Dans le code de la santé publique tous les actes infirmiers sont déclinés mais... pas l'Entretien Santé Travail Infirmier (ESTI). Pourtant les salariés ne disent pas les mêmes choses aux Médecins du travail et aux Infirmiers en santé au travail (IST). La mission de l’IST en médecine du travail ne peut se déployer s’il n’y a pas de reconnaissance de la mission de la médecine du travail « d'ordre public social ». C’est la connaissance des missions en santé au travail acquises par la formation, qui permettra également la confiance de l’infirmier envers le médecin.
Le législateur permet au médecin du travail de « confier » un ESTI à des IST dans le cadre de protocoles écrits. L’infirmier du travail organise alors son entretien dans le cadre de son rôle propre et du respect du protocole.

L’ESTI contribue à la mission de suivi médical individuel et collectif, de veille et d’alerte du médecin du travail. Il est totalement dégagé de la détermination d’avis d’aptitude. Il permet de prendre en compte la santé au travail, sans l’ambiguïté de cette détermination.

L’ESTI est un entretien du salarié concernant son poste de travail dont l’objectif exclusif est la santé. Il prend la forme, le protocole peut en faire mention, d’un questionnement sur la santé en rapport avec le travail mené en clinique médicale du travail, plutôt qu’une collecte de données à partir de questionnaires. Il s’appuie sur une approche clinique du salarié dans son travail et de sa parole, qui confère la capacité à organiser et à mettre en lien les déclarations de la personne avec les situations de travail et les rapports sociaux de travail.

L’ESTI investigue le travail et la santé, explore le lien Santé-Travail et aboutit à l’élaboration d’une contribution de l’IST au travail clinique du binôme. Il s’agit pour l’IST d’une recherche de compréhension et d’analyse de ce qui fait difficulté dans le travail du salarié, prenant en compte le point de vue de ce dernier. L’infirmier du travail dispose d’un temps de retour pour discuter avec le médecin du travail.

2.2 Responsabilité des IST, rôle propre et mission du médecin du travail

Pré requis pour un bon fonctionnement de l’équipe

- Dans l’idéal, l’équipe doit être composée d’un médecin du travail et d’un infirmier de santé au travail, au plus comme le recommande le CNOM un médecin et deux infirmiers, pour que l’IST puisse réaliser de façon efficiente sa mission comportant des temps d’échange avec le médecin du travail, la connaissance des postes de travail et des entreprises. Chaque médecin ayant son mode d’exercice personnel, l’infirmier peut se retrouver en difficulté s’il doit travailler avec plusieurs médecins.

- Le temps de secrétariat doit être suffisant pour que l’équipe fonctionne correctement : gestion de deux agendas complémentaires en respectant le schéma proposé pour le choix des salariés vus en entretien infirmier (une partie des visites systématiques par l’infirmier et une partie par le médecin, ne pas programmer deux visites systématiques successives d’un salarié avec le même intervenant mais alterner, re convocations pour le médecin d’un certains salariés vus par l’infirmier), planification des temps d’échanges.

Dans l’équipe médicale, le médecin du travail est responsable personnellement de la « mission réglementaire » qui lui est confiée et qui engage sa responsabilité personnelle. Il est, en droit, l’interlocuteur exclusif de l’employeur pour les questions de santé, et engage sa responsabilité dans ce qu’il déclare et écrit. Lui seul bénéficie du statut de salarié protégé. C’est au médecin du travail, réglementairement protégé par le cadre de sa mission, d’en faire bénéficier l’exercice de l’infirmier du travail.

L’équipe pluridisciplinaire, composée de professionnels spécialistes du champ du travail, comporte une équipe médicale qui regroupe les professionnels dont l’exercice relève du code de la santé publique.

Le médecin du travail est responsable technique de l’équipe médicale, dans le respect du rôle propre des infirmiers. Il définit les missions de l’équipe médicale de santé au travail, du fait de sa compétence et de son indépendance et des contrôles qu’elles impliquent. Toutefois il lui faut distinguer ce qui relève, dans les missions des membres de l’équipe, d’actions en supervision technique encadrées par la réglementation et du rôle propre, dans un cadre défini par leurs règles professionnelles, impliquant une initiative spécifique du professionnel de santé.

Son rôle est celui d’un animateur, qui suscite ou fédère les coopérations, en fonction des compétences des membres de l’équipe et dans le respect de leur indépendance, dans le cadre des actions en santé au travail, tant en matière de consultations médicales que d’action en milieu de travail.

Etre l’animateur d’une équipe ne s’improvise pas surtout lorsque la culture du médecin du travail c’est de travailler depuis toujours en individuel : une formation en gestion d’équipe peut être indispensable pour acquérir les compétences nécessaires. L’animateur est dans « le faire ensemble » plutôt que dans « le faire » ou « le savoir », et ce qui est important au final c’est la motivation qu’il arrive à impulser à l’équipe.

Seuls les membres de cette équipe médicale sont habilités à intervenir dans le domaine de la santé des personnes. Eux seuls ont, réglementairement, accès au Dossier Médical en Santé au Travail (DMST). Le médecin du travail est comptable pour l’IST des connaissances pratiques protocolées et de la possibilité de déployer un rôle propre, tout en respectant son indépendance de métier.

Les deux professions relèvent du code de la santé publique. Elles seules ont « accès au corps ». Elles sont dans le même champ exclusif de la santé n’ayant pas à porter les contraintes économiques. C’est l’appui de la loi qui encadre la mission de « prévenir et dépister les altérations de la santé du fait du travail ». Médecin et infirmier du travail » n’ont donc pas à participer à la « gestion des risques » pour les employeurs. Ce qui ne veut pas dire qu'ils n'ont pas à interpeller cette gestion des risques quand elle prend insuffisamment en compte des conditions de travail altérant la santé.

L'indépendance des IST se joue dans la réalisation des actes techniques et dans les marges de manœuvre pour déployer un ESTI défini par un protocole adéquat. Elle est encadrée par la définition réglementaire de la mission du médecin du travail. Il faut donc que l'IST se positionne en premier sur la mission de prévention médicale primaire.

En sus, le cadre réglementaire de l’intervention de l’infirmière du travail doit être précisé du point de vue de son métier par des délibérations entre pairs, pour le spécifier en médecine du travail. Le métier d’infirmière du travail se construit donc aussi en groupe de pairs spécifique.

2.3 La confiance

2.3.1 La construction de la confiance

« La confiance engage autant qu’elle promet : c’est sur cette réciprocité que la relation de confiance entre les êtres humains se structure » [29] . La relation de confiance dans le travail implique la réciprocité, l’échange, le partage et la reconnaissance mutuelle participant ainsi au développement de la dimension psychosociale [30] . La confiance entre les membres d’une équipe est l’élément indispensable pour atteindre les objectifs du travail.
La confiance est un construit pour agir ensemble [31] , élaboré dans le temps et toujours relativement à ce avec quoi elle interagit : confiance en soi, confiance en l’autre, confiance dans le système. Elle se construit dans l’échange, dans les actes quand il y a un socle de valeurs communes partagées et exige généralement une certaine durée pour se développer et devenir solide.

La confiance en l’autre doit être envisagée comme une relation de confiance, l’un et l’autre étant engagés dans des enjeux de confiance réciproques. Mais cette relation de confiance a des limites : elle n’existe pas pour elle-même, dans une seule visée psychologique, affective ou morale, elle est liée à un objet, un but, une situation : la confiance est un construit pour agir ensemble selon des finalités partagées. La coopération est son intention. La coordination sa méthode. En retour, l’action réalisée en équipe renforce la confiance, participant ainsi à la construction de la relation professionnelle… ou à sa déconstruction si l’action visée n’est pas atteinte.

Faire confiance c’est remettre quelque chose à quelqu’un dans un cadre partagé qui peut comprendre des objectifs de travail, des valeurs, une éthique et des règles. Faire confiance implique également de prendre un risque : le risque de se tromper. Mais faire confiance ne suffit pas, il faut aussi gagner la confiance. Faire confiance relève de la mise en œuvre d’un agir particulier. Dans le travail, il s’agira d’un agir professionnel.
Gagner la confiance vise à bénéficier de la confiance de l’autre parce qu’elle compte pour celui qui la revendique. Là aussi, gagner la confiance relève d’un engagement, d’un agir particulier comme dans l’enjeu de faire confiance.
La relation de confiance se construit donc suivant un double enjeu : faire et gagner la confiance. Cette relation engage à une réciprocité entre celui qui l’accorde et celui qui la reçoit. L’épreuve de la confiance accordée passe par le rapport entre le faire et le dire et par la réalité de travail.
Au sein d’une relation asymétrique, entre le médecin et l’infirmière, les raisons de la confiance de l’un ne sont pas les raisons de la confiance de l’autre. Un équilibre peut se construire si l’un et l’autre trouvent un intérêt partagé à cette asymétrie. Cet intérêt porte très précisément sur l’efficience de l’action commune que la confiance doit permettre d’atteindre. On ne peut pas travailler en équipe sans confiance.

2.3.2 La construction de la confiance dans l’équipe médicale

L’infirmier arrivant en service inter entreprise explore en travaillant, un pan nouveau de son métier d’infirmier en santé au travail, exclusivement préventif comme le médecin. Il dispose du cadre légal et règlementaire mais ce dernier ne suffit pas à lui permettre la construction de son métier, ses pratiques et ses règles de métier. Il lui faut donc les découvrir, les fabriquer, et les critiquer.
Il faut du temps à l’IST pour l’acquisition des bases théoriques sur les questions de santé au travail et la pratique du terrain et du temps au binôme pour l’acquisition d’un langage commun et se comprendre sur ce que le travail veut dire.

La confiance pour « travailler ensemble » repose sur la compréhension des missions du médecin du travail, du côté du droit, et des règles professionnelles qui permettent l’articulation entre les deux métiers. La collaboration médecin - infirmier du travail autour de l’ESTI est basée sur le respect et la reconnaissance des apports de chacun. Elle est dépendante de la possibilité d’une confiance professionnelle réciproque permettant l’échange, le partage. Elle est assise sur des valeurs et règles professionnelles partagées qui font sens en prévention de la santé au travail, alors que les partenaires sont dans un rapport hiérarchique asymétrique.
Pour construire cette confiance réciproque, le médecin du travail doit donc donner à voir à l’infirmier avec qui il collabore, ses règles professionnelles cliniques et d’intervention.

Cette coopération médecin du travail/infirmier du travail est dépendante de la confiance professionnelle réciproque et par conséquent, l’organisation du travail est définie à l’intérieur de chaque binôme.
Le service inter entreprise ne peut prétendre intervenir sur le contenu de cette coopération, de la seule responsabilité du médecin.

Vignette clinique 2

Emma, infirmière sans collaboration

Emma est une jeune infirmière recrutée juste avant l'été par le service de santé au travail départemental d'une entreprise de distribution. Après une expérience lassante dans un petit hôpital et une brève expérience de remplacement en libéral, elle a choisi un poste d'infirmière salariée hors de l'hôpital. Elle côtoie pendant quelques semaines un médecin du travail avant son départ en retraite, « avec qui ça se passe très bien » dira-t-elle, puis assure en fin des vacances un mois de permanence seule dans le service de médecine du travail où elle reçoit des salariés pour des bobos et/ou en attendant qu'ils voient le médecin. Aucune formation d'Infirmière de santé au travail n'est programmée, et elle n'est pas demandeuse elle-même, ne souhaitant pas quitter sa ville pendant des semaines entières.
Un nouveau médecin du travail, Camille est recrutée début septembre par le même SST après quelques années en service inter entreprise. Dans le service, ses collaborateurs sont Emma, l'infirmière citée et une secrétaire. Camille a un peu travaillé avec une infirmière d'entreprise dans une entreprise de taille moyenne où cette dernière fait fonction de secrétariat pour les visites. Le contrat mentionne son autorité fonctionnelle sur l'infirmière mais aussi la responsabilité hiérarchique de la responsable des ressources humaines.
Les tâches de l'infirmière ne sont pas clairement définies et rapidement le médecin du travail lui affecte l'organisation de réunions de sensibilisation à la santé publique demandées par le CHSCT, sur l'alimentation, le sommeil, et même l'ergonomie des postes de travail. Elle commence à préparer ce type de prestations mais sans aide du médecin du travail qui « n'a pas le temps avec les visites en retard ». Les deux bureaux sont proches, mais le médecin du travail est toujours occupé.
La jeune infirmière se lance dans les premières animations. S'ensuivent des échanges d'écoute et de conseil personnalisés avec des salariés demandeurs. Ces initiatives sont qualifiés d'entretiens infirmiers auxquels le médecin s'oppose. Une substitution à la secrétaire, absente, lui est demandée.
Rapidement Emma l'infirmière se sent et se dit en souffrance ; La responsable des ressources humaines soutient dans ce conflit le médecin du travail. Et Emma sera en maladie pendant plusieurs mois avec l'impossibilité de retourner au travail dans ce cadre. Sur les conseils d'un thérapeute et avec un soutien syndical, elle porte plainte au prud’homme.

Cette histoire est caricaturale. La séparation des tâches ne s'inscrit pas dans la complémentarité de la mission de médecine du travail, et est incompatible avec une collaboration constructive.

• Emma n'a pas de DIUST ni licence santé au travail ni autre formation IST, et la condition d'une formation en santé au travail n'est absolument pas posée au départ, ni reposée par le nouveau médecin du travail à son arrivée.
• Le recrutement d'une infirmière avant l'arrivée du nouveau médecin est pour le moins paradoxale, et en tout cas réalisé sans questionner la nature et les exigences de la collaboration. Il est vrai que le service a l'habitude de recruter des infirmières d'entreprises dans tous les départements.
• Le médecin du travail ne débloque pas de temps d'échange avec l'infirmière.
• Le médecin du travail ne donne pas à voir ses pratiques et ses enjeux, sinon sous forme quantitative et impérative de visites médicales.
• La spontanéité d'écoute de l'infirmière qui pourrait être considérée comme un travail de Care pouvant alimenter une collaboration en santé au travail, est rejetée et interdite comme empiétant sur la mission du médecin.
• Etc…

En résumé pas de collaboration vraie, pas de confiance possible.

2.4 Confiance, règles d’intervention, pratiques professionnelles, règles professionnelles

2.4.1 Quelle forme pour cette collaboration médecin du travail/Infirmier en santé au travail ? [32]

L'identité professionnelle des infirmiers et infirmières ne se limite pas à l'exécution de tâches confiées par le médecin du travail, ce qui peut entrainer des difficultés dans la construction de la coopération entre ces deux professions au sein des services de santé au travail. Si l'arrivée d'infirmières et d’infirmiers dans les services est susceptible d'enrichir et d'améliorer la prestation, cela passe nécessairement par l'affirmation de leur contribution spécifique ce qui possède un potentiel de déstabilisation de la position des médecins.
En effet, dans un service de santé au travail, il n'est pas possible de s'appuyer sur le type de division du travail qui prévaut à l'hôpital : aux médecins le diagnostic et le traitement, aux infirmiers le soin et la globalité des besoins de la personne.
Dans le cas de la santé au travail, la population suivie n'est à priori pas malade. La dimension du diagnostic médical repose sur le recueil systématique des indicateurs de santé en rapport avec le travail par une écoute active permettant au médecin du travail d’identifier les difficultés, les souffrances et les défenses mises en place. Cela permet au salarié d’accéder lui-même à la compréhension des situations auxquelles il est confronté. La spécificité du médecin du travail tient donc à sa capacité à faire le lien entre les conditions de travail et ses effets pathologiques sur les individus et à porter un regard sur la santé du travailleur en prenant le travail comme grille de lecture en tenant compte de son environnement, de son activité et du collectif.

Il existe plusieurs conceptions de la médecine du travail :

- Une conception de la médecine du travail, fondée sur une approche classique et réglementaire, s’intéresse aux facteurs de risques en ignorant les réponses activement produites par le travailleur considéré comme passif.

- Une autre conception de la médecine du travail, centrée sur la clinique médicale du travail [33] , considère le travailleur comme un sujet en relation avec son environnement de travail et sa dimension collective et prend en compte les réponses qu’il déploie face aux sollicitations de son environnement : les causes sont données mais les réponses sont activement produites.

Il ne suffit donc pas de désigner les facteurs de risque pour espérer des transformations, il faut plutôt analyser les dynamiques qui animent les individus mais qui peuvent aussi les paralyser. La clinique médicale du travail postule que la santé se structure autour du pouvoir d’agir et considère que le sujet construit son identité à travers des activités qui participent à l’accomplissement de soi en étroite interaction avec les autres. Virginia Henderson [34] , la grande théoricienne des soins infirmiers, évoque l’assistance visant à « permettre à celui qui la reçoit d'agir sans recours à l'extérieur aussi rapidement que possible ». Les cliniques du travail parlent de l’assistance à la reconstruction de la capacité à penser, débattre et agir. Il apparaît donc que les approches cliniques du travail présentent une grande proximité avec la tradition infirmière (Jane WATSON, Marie-Françoise COLLIERES).
Les infirmiers peuvent transposer en situation de travail les besoins fondamentaux définis par Virginia Henderson et se construire réellement comme infirmiers de santé au travail, à l’intersection de leur héritage historique et des approches cliniques de l’activité, c’est l’approche du care de Molinier. Sur cette base, elles seraient bien équipées pour aborder les questions centrales qui se posent aujourd’hui en matière de santé au travail et apporter une contribution spécifique.
Pour les médecins du travail aborder les questions du travail en termes d’activité, d’interaction avec l’environnement et le collectif et de satisfactions des besoins fondamentaux demande une prise de distance avec ce qui constitue la base de leurs connaissances c'est-à-dire la tradition des sciences expérimentales, ne considérant l’homme que sous son aspect physiologique et impliquant des relations déterministes entre facteurs et effets. Pour certains médecins restés sur cette approche, le développement de l’approche infirmière est susceptible d’entrainer des tensions, des désaccords voir des conflits au sein des équipes médicales. La contribution potentielle des infirmiers est plus acceptable pour les médecins du travail qui se sont emparés des acquis de l’ergonomie, de la psychodynamique, de la clinique de l’activité et de la clinique médicale du travail.

La Haute Autorité de Santé [35] a souligné que l'intégration de nouvelles formes de coopération entre médecins et infirmiers ne pouvait pas se faire par simple addition mais qu’elle impliquait une transformation des fonctionnements et des pratiques. Cette transformation passe par un effort de formation, mais nécessite aussi un travail de formalisation.
Il est nécessaire d’élaborer des protocoles, non pas dans le but de fixer les activités et la façon de les articuler, mais afin de se donner des points de repère pour penser les nécessaires évolutions du dispositif et des pratiques pour préserver l’engagement de la mission règlementaire du médecin du travail.

2.4.2 Comment fonctionner en binôme ?

Le binôme est en mesure de construire des règles d’intervention en médecine du travail. Parmi celles-ci, il parait important qu’il s’informe mutuellement de ce qu’il fait, comment, et où il le fait, au quotidien. Cette organisation implique un temps de discussion, de transmission et de coordination important.

Le métier d’infirmier se déploie aux côtés du médecin, au niveau du binôme et en coopération. L’exercice professionnel de l’infirmier en service de santé au travail interentreprises, pour se déployer, doit pouvoir faire état que le cadre ayant été défini avec le médecin, l’infirmier agit en coopération. Toutes les interventions de celui-ci ont donc un cadre, défini par le binôme. Ce cadre prévoit les ESTI, les salariés pris en charge, les actions en milieu de travail, les réunions de l’équipe médicale et les réunions de l’équipe pluridisciplinaire. Il y aurait un danger pour l’infirmier à sortir de ce cadre. A contrario, le cadre permet au médecin de soutenir l’infirmier dans le déploiement de ses missions. L’infirmier doit pouvoir disposer de sécurité dans son exercice, par la responsabilité revendiquée du médecin, interlocuteur en responsabilité, de l’employeur, vis-à-vis du déploiement de son activité professionnelle.

Lors de l’ESTI, idéalement, le médecin est présent au cabinet médical en consultation pendant que l’infirmier est en ESTI. Des échanges brefs itératifs peuvent ainsi avoir lieu, le salarié étant présent. Un temps spécifique réservé à la délibération sur un cas clinique est à prévoir de la part du binôme, en plus du point hebdomadaire, le staff.

Les réunions de staff hebdomadaires programmées et institutionnalisées comprennent une réunion de l’équipe médicale et une réunion de l’équipe pluridisciplinaire.
Les réunions du staff médical permettent de passer en revue les dossiers de salariés vus par l’infirmier en ESTI, les difficultés rencontrées, les plaintes collectives dans une entreprise collectées, les résultats des examens complémentaires… L’infirmier doit pouvoir joindre le médecin du travail en cas d’urgence.

Les réunions de l’équipe pluridisciplinaire seront consacrées aux échanges sur les actions en milieu de travail.

L’exercice en solitude clinique de l’infirmier ne peut pas être la règle. En cas de travail à distance, la coopération ne peut exister qu'avec la possibilité d'échanges et d'interpellations qui évitent à l'infirmier de se trouver seul devant un lien santé travail pathogène dont la compréhension, l'accompagnement et la réponse seront à construire au moins partiellement avec le médecin du travail.

Pour donner à voir à l’infirmier comment il travaille, un temps d’accompagnement de l’infirmier sur l’activité du médecin paraît très utile sur quelques mois. On pourrait parler de compagnonnage, bien qu’il s’agisse de deux métiers différents.

Qu’est-ce que le compagnonnage ? Il s’agit d’une technique d’apprentissage qui permet la transmission de savoirs par l’observation, l’écoute et les échanges. Elle implique que l’infirmier ait accès au dossier médical et doit respecter une chronologie d’apprentissage comportant trois phases distinctes :

- Dans la première phase : le médecin du travail effectue son entretien avec l’infirmier
- Dans une deuxième phase : l’infirmier réalise l’ESTI devant le médecin
- Dans la troisième phase, l’infirmier réalise l’ESTI seul et en synthétise le contenu selon un protocole pré défini dans l’équipe. Toutes les informations collectées dans l’entretien seront consignées dans le dossier médical.

Cette technique nécessite l’écriture de monographies ou cas cliniques, à discuter avec le médecin, permettant d’apprendre à faire les liens santé travail et à donner du sens au recueil des données de l’ESTI.

Vignette clinique 3

Cindy, infirmière en confiance et échanges mutuels

Cindy a postulé au poste d'infirmière en santé au travail dans un service inter entreprise d'une dizaine de médecin, après 5 ans de travail dans un hôpital qu'elle a dû quitté pour un rapprochement Géographique.
Elle est affectée au suivi des salariés de deux médecins dont l'un le médecin A était présent à l'entretien de recrutement.
Une formation avec l'AFOMETRA est programmée dès la 3ème semaine après son embauche. Elle passe les deux premières semaines en grande partie en observation dont une grande partie avec le médecin A . C'est pour elle une découverte intéressante mais angoissante.
Dès le 2ème mois avant la fin de la formation IST, Cindy commence des ESTI, qui sont planifiés 4 jours sur 5 pour les effectifs de deux médecins, dont 3 jours sur 4 pour le médecin A (Armel)
Elle a en moyenne 6 ESTI par demi-journée et reçoit les salariés dans un bureau du centre où travaille le docteur A à plein temps, et commence essentiellement par des employés de magasins après deux heures d'échange et d'écriture d'un guide avec le Docteur A. Dès le premier jour elle peut faire appel, avec la complicité de la secrétaire, plusieurs fois au docteur A qui est présent, décide et la rassure.
Elle apprécie ces entretiens avec les salariés avec qui elle a l'impression que le courant passe bien et elle se sent utile par le dialogue, les dossiers qu'elle remplit et des conseils qu'il est convenu qu'elle donne. C'est chaque fois une découverte de personnes et de leur travail.
Tous les soirs, au début, le médecin A lit les dossiers et laisse quelques remarques encourageantes. Au fil du temps la lecture des dossiers par le médecin A est moins exhaustive mais constante pour les transmissions ciblées, et à chaque nouvelle catégorie de salariés découverte par Cindy.
Chaque semaine une réunion est tenue en début de semaine, où en deux heures les cas délicats sont rappelés, le médecin A lui fait part des suites pour les salariés qu'il a revus après l'IST, et où à la fin la secrétaire assistante est associée pour l'organisation.

Cindy ne travaille qu'un quart de son temps pour des ESTI d'effectifs salariés du médecin B (comme Berny) qui lui-même partage sa présence à mi-temps sur ce site et dans une autre ville à une vingtaine de kilomètres. Cindy s'est vite rendu compte que le Docteur B était beaucoup plus difficilement disponible pour répondre à une demande au cours d'une ESTI. Entre eux deux, une réunion n'est organisée qu'une fois par mois pour faire le point, où certes les cas signalés et transmis sont lus, mais avec l'impression de moins d'échange, moins de discussion et moins d'explication. En fait au bout de presqu'un an elle pratique les ESTI pour les salariés du Dr B comme pour ceux du Dr A mais avec une auto restriction, une auto censure pour toute initiative et avec une insatisfaction de travail non fini....

 

2.5 Travailler sur les pratiques professionnelles. Le travail en groupe de pairs

2.5.1 Définition de l’analyse des pratiques professionnelles [36]

La notion d'analyse des pratiques désigne une méthode de formation ou de perfectionnement fondée sur l'analyse d'expériences professionnelles, récentes ou en cours, présentées par leurs auteurs dans le cadre d'un groupe composé de personnes exerçant la même profession. Elle est utilisée le plus souvent dans des métiers comportant une composante relationnelle prédominante, professions du soin, de l'éducation, de la formation et dans le champ social plus largement. L'analyse des pratiques repose sur le postulat que l'expérience professionnelle est source de construction de savoirs.

2.5.2 Les pratiques professionnelles en santé au travail

Si le binôme travaille du point de vue de la clinique médicale du travail, en prenant le travail comme grille de lecture, la collaboration peut se faire en déployant des repères et règles de métier déjà construits de ce côté et avec l’aide éventuelle des groupes de pairs respectifs.
Il peut exister des pratiques professionnelles différentes d’un médecin à un autre. Il y a une difficulté professionnelle éventuelle pour un infirmier, à travailler avec deux médecins du travail s’il doit alterner ses collaborations entre deux systèmes de règles professionnelles et normes, portés par chaque médecin. C’est pourquoi le travail en collaboration médicale est à considérer de la part du binôme, un médecin/un infirmier.

Au travail, chacun trie, fait des choix, se donne des priorités. Est-il possible de les exposer en petit comité, devant un groupe de pairs ? Chacun contribue dans le groupe à repérer en les exposant, quelles sont ses propres pratiques, quelles sont les règles professionnelles mises à contribution et proposées à la dispute professionnelle. D’où l’importance pour des médecins et les infirmiers de pouvoir débattre des pratiques professionnelles en groupe de pairs.

Dans des groupes de pairs ponctuels d'infirmiers en santé au travail, on peut parfois entendre comment des infirmiers étaient en souffrance parce qu'ils (elles) ne partageaient pas ou ne comprenaient pas la réponse d'un médecin ou sa non réponse face à des atteintes à la santé de travailleurs dont ils (elles) avaient alerté le médecin du travail. Les repères échangés par les pair(e)s lors de ces séances à partir d'exemple se révélaient essentiels pour ne pas rester dans le non-dit d'un désaccord ou une incompréhension. La forme et la qualité des transmissions ciblées au médecin du travail peuvent y être travaillées, ainsi que l'information au salarié de la nature de l'interpellation au médecin.

Concernant des repères pour la pratique, l’élaboration de règles professionnelles, le métier d’infirmier en service interentreprises est en construction, de la seule responsabilité des infirmiers.
Quelles règles de métier sont transposables à partir du métier d’infirmier de soin ? Quelle est la place du « care » ? Et de quel care parlons-nous ? Tout comme les médecins, en délibérer en groupe de pairs infirmier est un soutien pour analyser les pratiques professionnelles des IST, dégager des repères pour celles-ci, et les améliorer dans le cadre prévu du DPC.

Dispute professionnelle-2

Travailler en confiance, dans un cadre règlementaire connu et analysé au regard des pratiques

  • Comment articuler les codes du travail et de la santé publique dans le seul intérêt de la santé des salarié
  • Le fonctionnement en équipe médicale spécifique est-il nécessaire au sein d'un SST parallèlement à l'équipe pluridisciplinaire ?
  • Quelles conditions pour la confiance : compréhension partagée du cadre réglementaire, valeurs professionnelles partagées, donner à voir de ses pratiques entre IST et M du T ?
  • Quelles formes et rythmes d’échanges de son ESTI entre IST et M du T, selon la gravité d’une situation, la demande pressante du salarié, la difficulté ressentie ?

Travailler en confiance, dans un cadre règlementaire connu et analysé au regard des pratiques

  • Quelles sont les éléments d’une collaboration respectueuse dans le cadre de l’ESTI entre IST et médecin du travail ? Quelles règles pour un compagnonnage réussi ?
  • Les membres de l’équipe médicale relèvent du code de la santé publique. Y-en-a-t-il d’autres que l’IST et le médecin du travail ?
  • Quelles disputes professionnelles, les IST pourraient discuter en priorité en groupe de pairs collaboratifs avec les médecins du travail ?

________________________________________

13-Article L4622-8 : Les missions des services de santé au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail comprenant notamment des médecins du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers. Ces équipes peuvent être complétées par des assistants de services de santé au travail et des professionnels recrutés après avis des médecins du travail. Les médecins du travail animent et coordonnent l'équipe pluridisciplinaire.

14-Article R4623-1 : Le médecin du travail est le conseiller de l'employeur, des travailleurs, des représentants du personnel et des services sociaux, notamment sur :
1° L'amélioration des conditions de vie et de travail dans l'entreprise ;
2° L'adaptation des postes, des techniques et des rythmes de travail à la santé physique et mentale, notamment en vue de préserver le maintien dans l'emploi des salariés ;
3° La protection des travailleurs contre l'ensemble des nuisances, et notamment contre les risques d'accidents du travail ou d'exposition à des agents chimiques dangereux ;
4° L'hygiène générale de l'établissement ;
5° L'hygiène dans les services de restauration ;
6° La prévention et l'éducation sanitaires dans le cadre de l'établissement en rapport avec l'activité professionnelle ;
7° La construction ou les aménagements nouveaux ;
8° Les modifications apportées aux équipements ;
9° La mise en place ou la modification de l'organisation du travail de nuit.
Afin d'exercer ces missions, le médecin du travail conduit des actions sur le milieu de travail, avec les autres membres de l'équipe pluridisciplinaire dans les services de santé au travail interentreprises, et procède à des examens médicaux.

15-L’Article R4623-14 : Le médecin du travail assure personnellement l'ensemble de ses fonctions, dans le cadre des missions définies à l'article R. 4623-1. Elles sont exclusives de toute autre fonction dans les établissements dont il a la charge et dans le service interentreprises dont il est salarié.
Toutefois, le médecin du travail peut confier certaines activités, sous sa responsabilité, dans le cadre de protocoles écrits, aux collaborateurs médecins, aux internes, aux candidats à l'autorisation d'exercice, aux infirmiers, aux assistants de service de santé au travail ou, lorsqu'elle est mise en place, aux membres de l'équipe pluridisciplinaire. Pour les professions dont les conditions d'exercice relèvent du code de la santé publique, ces activités sont exercées dans la limite des compétences respectives des professionnels de santé déterminées par les dispositions de ce code

16-Article R4623-29 : L'infirmier recruté dans un service de santé au travail est diplômé d'Etat ou a l'autorisation d'exercer sans limitation dans les conditions prévues par le code de la santé publique. Si l'infirmier n'a pas suivi une formation en santé au travail, l'employeur l'y inscrit au cours des douze mois qui suivent son recrutement et favorise sa formation continue.

17- Article R4623-30 : Dans le respect des dispositions des articles R. 4311-1 et suivants du code de la santé publique, l'infirmier exerce ses missions propres ainsi que celles définies par le médecin du travail, sur la base du protocole mentionné à l'article R. 4623-14 du présent code.

18-Article R4623-31 : Un entretien infirmier peut être mis en place pour réaliser les activités confiées à l'infirmier par le protocole prévu à l'article R. 4623-14. Cet entretien donne lieu à la délivrance d'une attestation de suivi infirmier qui ne comporte aucune mention relative à l'aptitude ou l'inaptitude médicale du salarié.

19-Article R4623-35 : L'infirmier est recruté après avis du ou des médecins du travail.

20-Article R4623-36: Les missions de l'infirmier sont exclusivement préventives, à l'exception des situations d'urgence

21-Code de la santé publique : articles R4311-1 à R4311-15

22-Article R4311-3 : Relèvent du rôle propre de l'infirmier ou de l'infirmière les soins liés aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d'autonomie d'une personne ou d'un groupe de personnes.
Dans ce cadre, l'infirmier ou l'infirmière a compétence pour prendre les initiatives et accomplir les soins qu'il juge nécessaires conformément aux dispositions des articles R. 4311-5, R. 4311-5-1 et R. 4311-6. Il identifie les besoins de la personne, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs de soins, met en œuvre les actions appropriées et les évalue….
Article R4311-5 : Dans le cadre de son rôle propre, l'infirmier ou l'infirmière accomplit les actes ou dispense les soins suivants visant à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son information et celle de son entourage :
- Soins et procédés visant à assurer l'hygiène de la personne et de son environnement
- Surveillance de l'hygiène et de l'équilibre alimentaire
- Dépistage et évaluation des risques de maltraitance ;
- Entretien d'accueil privilégiant l'écoute de la personne avec orientation si nécessaire
- Aide et soutien psychologique ;
- Observation et surveillance des troubles du comportement.
- Recueil des observations de toute nature susceptibles de concourir à la connaissance de l’état de santé de la personne…
Article R4311-6 : Dans le domaine de la santé mentale, outre les actes et soins mentionnés à l'article R. 4311-5, l'infirmier ou l'infirmière accomplit les actes et soins suivants :
- Entretien d'accueil du patient et de son entourage ;
- Activités à visée sociothérapeutique individuelle ou de groupe ;
Article R4311-15 : Selon le secteur d'activité où il exerce … et en fonction des besoins de santé identifiés, l'infirmier ou l'infirmière propose des actions, les organise ou y participe dans les domaines suivants :
- Dépistage, prévention et éducation en matière d'hygiène, de santé individuelle et collective et de sécurité ;
- Dépistage … des maladies professionnelles, des pratiques addictives

23- Article R4312-4 : « Le secret professionnel s’impose à tout infirmier ou infirmière et à tout étudiant infirmier dans les conditions établies par la Loi. Le secret couvre non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, lu, entendu et compris. L’infirmier ou l’infirmière instruit ses collaborateurs de leurs obligations en matière de secret professionnel et veille à ce qu’ils s’y conforment. »

24-Article R4312-9 : précise l'obligation d'indépendance des infirmiers : "L'infirmier ou l'infirmière ne peut aliéner son indépendance professionnelle sus quelque forme que ce soit. Il ne peut notamment accepter une rétribution fondée sur des obligations de rendement qui auraient pour conséquences une restriction ou un abandon de cette indépendance »

25-Article R4312-14 : « L’infirmier est personnellement responsable des actes professionnels qu’il est habilité à effectuer… »

26-Article R4312-49 : « Le fait pour un infirmier ou une infirmière d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à un employeur privé, une administration, une collectivité ou tout autre organisme public ou privé n’enlève rien à ses devoirs professionnels

27-Recommandations du CNOM : Rapport adopté lors de la session du Conseil national de l’Ordre des médecins du 17 juin 2011

28-Circulaire DGT du 9 novembre 2012 relative à la mise en œuvre de la réforme de la médecine du travail et des services de santé au travail

29-Van Belleghem, L. (2013) Réciprocité des enjeux de confiance au travail - Le cas des coursiers et de leur dispatcheur. Dans L. Karsenty (coord.), La confiance au travail. Toulouse, Octarès (p.53-75)

30-Van Belleghem L., De Gasparo S. & Gaillard I. (2013) Le développement de la dimension psychosociale au travail. Dans P. Falzon. (coord.), Ergonomie constructive. Paris, PUF.

31-DAVEZIES P (1993), éléments de psychodynamique du travail, Education Permanente N° 116, 1993-3, p 33-46

32-DAVEZIES P, (2010), intérêt et difficultés de l’insertion des infirmières dans les services inter-entreprises de santé au travail, Revue du Journal des Professionnels de Santé au Travail, numéro 5, numéro spécial, p 14-16

33-Davezies Ph., Deveaux A., Torres Ch, (2006) Repères pour une clinique médicale du travail. Arch Mal Prof 2006 ; 67: 119-125

34-http://fr.wikipedia.org/wiki/Quatorze_besoins_fondamentaux_selon_Virginia_Henderson

35-http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_497724/delegation-transfert-nouveaux-metiers-commentfavoriser-les-formes-nouvelles-de-cooperation-entre-professionnels-de-sante

36-http://fr.wikipedia.org/wiki/Analyse_des_pratiques_professionnellesart_829_42394.html

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SEQUENCE 3

3- Coopération de l’équipe médicale et protocoles. Qu’est ce que ça veut dire de travailler ensemble ? Quel serait le rôle du protocole pour cela ?

La collaboration d’appui de l’infirmière au médecin du travail, est subordonnée à une compréhension partagée des règles et obligations réglementaires du métier de médecin du travail.

3.1- Le médecin du travail confie ou délègue l’ESTI à l’infirmière santé travail ?

La coopération, ou action de participer à une action ou une œuvre commune qui repose sur la responsabilité de chacun, est caractéristique de la pratique des professions de santé. Ce terme, générique, comporte plusieurs modalités dont la délégation et le transfert.
La délégation est une notion tirée de la jurisprudence : c’est un acte juridique par lequel une autorité appelé le déléguant se dessaisit d’une partie des pouvoirs qui lui sont conférés et les transfère à une autre autorité subordonnée appelé le délégataire. Le délégataire assume alors les obligations et les responsabilités liées aux pouvoirs qui lui ont été délégués. En cas de manquement de sa part, le délégataire sera responsable en lieu et place du déléguant.
Au regard du droit, les actes des membres de l’équipe médicale sont encadrés par les textes du code de la santé publique et du code du travail : le médecin ne peut pas déléguer des actes qu’il est le seul à pouvoir réaliser selon la loi. Cependant l’article 51 de la loi N° 2009-879 du 21 juillet 2009 dite loi « Bachelot » a introduit la coopération entre professionnels de santé qui est retranscrite à l’article L4011-1 [37] du code de la santé publique
L’article L4623-1 [38] du code du travail précise qu’un diplôme spécial est obligatoire pour exercer les fonctions de médecin du travail et l’article R. 4623-14 [39] du même code précise d’’une part que le médecin du travail assure personnellement l'ensemble de ses fonctions, dans le cadre des missions définies à l'article R. 4623-1, mais d’autre part qu’il peut confier certaines activités sous sa responsabilité dans le cadre de protocoles écrits aux infirmiers dans le respect du code de la santé publique.
Selon l’article R4623-31 [40], l’ESTI fait partie des activités confiées à l’infirmièrè sous protocole.

3.2- Cadre de l’exercice pour le Travailler ensemble au sein de l’équipe médicale

La prise en compte du point de vue exclusif de la santé au travail structure les collaborations en clinique médicale du travail pour l’équipe médicale du travail. Cette collaboration dans l’intérêt de la santé des agents repose sur la confiance assise sur des valeurs et règles professionnelles partagées.
Collaboration ou coopération, col laborer (labor) et co opérer (opus). Les deux termes sont proposés par la HAS (protocole de collaboration). Mais le mot coopérer est généralement réservé au « travailler ensemble » au sein d’un même métier.

Quelles pratiques et règles professionnelles, déployer, règles professionnelles du médecin, règles professionnelles de l’infirmière, règles de fonctionnement du binôme ?
Médecin et infirmière sont chacun en exercice de première ligne, en prévention primaire. L’IST dispose comme le médecin d’un cadre légal et règlementaire qui fait que son exercice est exclusivement préventif comme le médecin.

Une remarque peut être faite à ce niveau. Le métier d’infirmière est défini par l’art L 4311-1 du code de santé publique qui s’applique par conséquent à l’infirmière de santé au travail dont l’exercice n’est pas considéré comme une spécialité.

Le code du travail consacre à la profession quatre articles qui sont des règlements [41].
Cependant L’infirmière n’est jamais interpellée en tant que professionnelle dans le code du travail.
L’interlocuteur exclusif de l’employeur et des salariés reste exclusivement le médecin du travail, que ce soit vis-à-vis de préconisations sur le poste de travail, la veille ou l’alerte.

Le médecin du travail « assure personnellement » ses fonctions (R.4623-14). Il exerce ses missions en responsabilité personnelle encadrée par la déontologie, le code de la santé publique et le droit du travail et est soumis à un double contrôle social et administratif. Il engage sa responsabilité dans ce qu’il déclare et écrit. Dans l’équipe médicale le médecin du travail est responsable personnellement de la « mission réglementaire » ; Responsabilité civile et pénale.
En droit, seul membre de l’équipe médicale, le médecin du travail bénéficie du statut de salarié protégé. Ce statut lui permet d’intervenir dans ses missions en contribuant à asseoir son indépendance face aux pressions qu’il pourrait rencontrer, notamment vis-à-vis d’employeurs. Mais il doit en même temps pouvoir se montrer garant de l’activité de l’IST avec laquelle il coopère.

Au-delà de son intervention propre, quand il « confie certaines activités », avec un cadre défini à l’IST [42], ces dernières se déploient sous sa responsabilité. Un cadre défini est nécessaire à l’IST pour protéger le champ de son intervention.
Toutes les interventions de l’infirmière doivent avoir un cadre. L’IST doit pouvoir faire état que le cadre ayant été défini avec le médecin, ce dernier lui a confié certaines activités dont il reste responsable.
Il y aurait un danger pour l’infirmière à sortir de ce cadre. Disposer de protocoles est donc nécessaire au déploiement de l’activité de l’IST au sein de l’équipe médicale.

3.3- Les Protocoles

3.3-1. Chaque Protocole engage la responsabilité du médecin

Le cadre du protocole permet au médecin de soutenir l’intervention de l’infirmière dans le déploiement de ses activités. Le terme de délégation n’est pas employé par le droit. Il s’agit de protocoles de coopération. Le cadre du protocole permet au médecin de soutenir l’intervention de l’infirmière dans le déploiement de ses missions.
C’est au médecin du travail de rappeler si nécessaire aux employeurs et à la direction du SIE que le cadre de son intervention ayant été défini par le médecin, l’IST exerce ses activités dans le cadre de chaque protocole, même dans son rôle propre. Le service IE ne peut prétendre intervenir sur le contenu.
Un cadre général au protocole peut se construire au niveau collectif d’un service. Dans un SST, les fondations d’un tel protocole auraient intérêt à être « discutées » par plusieurs collectifs de « médecins-infirmiers ». Le protocole engageant la responsabilité du médecin, il lui est opposable juridiquement. Son absence engagerait aussi sa responsabilité. Le médecin ne doit donc écrire dans le protocole que ce qu’il peut soutenir, en croisant les dimensions de métier et les dispositions légales et règlementaires de son activité.

3.3-2. Le Protocole relatif à l’ESTI

L’ESTI fait l’objet d’un protocole particulier. Il est réalisé sous la responsabilité du médecin du travail nommément désigné (article R 4623-14 et R4623-30 du Code du travail). L’ESTI contribue à la mission de suivi médical individuel et collectif, de veille et d’alerte du médecin du travail. L’entretien est totalement dégagé de la détermination d’avis d’aptitude.
L’ESTI est un entretien du salarié au regard de son poste de travail dont l’objectif exclusif est la santé. Il prend la forme - Le protocole peut en faire mention - d’un questionnement sur la santé en rapport avec le travail mené en clinique médicale du travail plutôt qu’une collecte organisée à partir de questionnaires. Il s’appuie sur une approche clinique du salarié dans son travail et de sa parole, qui confère la capacité à organiser et à mettre en lien les déclarations de la personne avec les situations de travail et les rapports sociaux de travail.
L’ESTI investigue le travail et ses aléas vis-à-vis de la santé, explore le lien Santé-Travail et aboutit à une contribution de l’IST au travail clinique du binôme. La prévention primaire en est l’objectif. Elle passe par le soutien au pouvoir d’agir du salarié. Il s’agit pour l’IST d’une recherche de compréhension et d’analyse de ce qui fait difficulté dans le travail du salarié, prenant en compte le point de vue de ce dernier.

Prenons un exemple de protocole rédigé pour la pratique d’ESTI,
« Le protocole sur l’ESTI est rédigé conjointement avec l’infirmière sous la responsabilité du médecin du travail.
L’entretien de clinique médicale du travail est conduit par l’infirmière sous la responsabilité du médecin du travail.
Le médecin du travail est présent dans le centre médical. L’échange sur la santé du salarié permet de prendre ensemble les dispositions relatives à la santé du salarié ainsi que l’édition éventuelle des examens complémentaires ou la décision d’une visite du poste.
Une vaccination peut être proposée et réalisée sous la responsabilité du médecin et en accord avec lui.
Les examens complémentaires en relation avec les risques identifiés aux postes font l’objet d’une ordonnance dont la fréquence est établie selon un calendrier semestriel ou annuel avec un échéancier.
L’édition d’une attestation de suivi conclut l’examen et programme l’examen futur. »

Commentaire
La mise en place d’ESTI demande une coopération spécifique, particulière à l’équipe médicale, entre médecin et infirmière. Le protocole est un écrit qui trace la coopération entre les deux métiers du pôle clinique.
Chaque protocole est rédigé par le médecin du binôme, en collaboration avec l’infirmière.
Sa rédaction est particulière pour chaque équipe médicale et tient compte des conditions de l’exercice de l’équipe médicale, par exemple, binôme médecin-IST en service autonome ou inter, binôme deux IST-médecin ; ou encore infirmière temps plein dans une entreprise dont le médecin inter-entreprises ne s’y rend que périodiquement.
Le cadre écrit des traces des ESTI est borné :

  • par des règles de métier discutées entre IST,
  • par le protocole du médecin du travail,
  • par le travail en collaboration,
  • selon les recommandations générales définies par la HAS.

3.3-3. Quel contenu d’un Protocole d’ESTI ?

« L’article 51 de la loi HPST du 21 juillet 2009 permet la mise en place, à titre dérogatoire et à l’initiative des professionnels sur le terrain, de transferts d’actes ou d’activités de soins et de réorganisations des modes d’interventions auprès des patients. Ces initiatives locales prennent la forme d’un protocole de coopération qui est transmis à l’ARS. Celle-ci vérifie la cohérence du projet avec le besoin de santé régional, avant de le soumettre à la validation de la HAS ».
La mise en œuvre d’un protocole de coopération nécessite une formation pour le(s) délégué(s). Cette formation permet au professionnel de santé délégué d’acquérir les compétences nécessaires pour réaliser l’acte(s) de soin ou l’activité(s) dérogatoire(s) aux conditions légales d’exercice.

L’élaboration d’un protocole d’ESTI concerne exclusivement l’équipe médicale MduT – IST, ou les équipes médicales dans le cas où plusieurs médecins du travail ayant une solide expérience d’échange de pratique entre pairs souhaiteraient travailler ensemble à l’élaboration et à l’évolution de ces protocoles de coopération avec des IST elles-mêmes engagées dans des groupes d’échange de pratique.
Le protocole doit être assez souple et ne peut être standardisé dans son contenu, toutefois une trame générale peut être suivie.
Il sera signé par le médecin du travail y engageant sa responsabilité personnelle. Une direction de SST n’a pas à intervenir dans cette élaboration ; toute intervention pourra être considérée comme une atteinte à l’indépendance du médecin du travail.

Dans le cadre de l’ESTI, il n’y a pas de délégation d’activité ni de délégation d’acte dérogatoire aux conditions légales d’exercice. Il s’agit d’une réorganisation du mode d’intervention auprès des salariés. Cette réorganisation n’est pas à l’initiative des professionnels de santé mais proposée par le législateur.

Les professionnels concernés, médecin du travail et infirmière en santé au travail, exercent dans un cadre règlementaire particulier : le médecin du travail assure personnellement l'ensemble de ses fonctions, dans le cadre des missions définies à l'article R. 4623-1. Elles sont exclusives de toute autre fonction dans les établissements dont il a la charge et dans le service interentreprises dont il est salarié.
Toutefois, le médecin du travail peut confier certaines activités, sous sa responsabilité, dans le cadre de protocoles écrits, aux infirmiers, aux assistants de service de santé au travail ou, lorsqu'elle est mise en place, aux membres de l'équipe pluridisciplinaire.

Pour les professions dont les conditions d'exercice relèvent du code de la santé publique, ces activités sont exercées dans la limite des compétences respectives des professionnels de santé déterminées par les dispositions de ce code.

Les conseils d’élaboration des protocoles de coopération de la HAS concernant la formation initiale et la formation continue nécessaire au maintien des compétences, l’analyse de la mise en œuvre du protocole, l’organisation de staffs réguliers pour l’analyse de dossiers ou d’évènements indésirables, constituent des outils intéressants pour l’équipe médicale.
Le législateur a prévu la nécessité de la formation initiale pour les IST, ou d’une formation qui doit intervenir dans le courant de l’année qui suit le recrutement.

A- A quels questionnements devrait répondre le protocole ?

L’analyse systématique des évènements indésirables constitue un des points importants du protocole, car ils constituent le plus souvent, d’une part des pistes d’amélioration dans le fonctionnement de l’équipe médicale, d’autre part des éléments d’analyse d’une situation de travail.

Un Protocole peut donc :
- Préciser les modalités d’un éventuel tutorat.
- Préciser quel est le médecin du travail responsable pour tel « effectif » de salariés concernés par ce protocole.
- Préciser le temps nécessaire pour mener un ESTI dans de bonnes conditions, au minimum ½ h.
- Préciser les modalités pour revoir le salarié en ESTI complémentaire, avec ou sans le médecin du travail

- Préciser que le médecin du travail donne son accord pour l’écriture au DMST de l’IST et à quelles conditions

  • Préciser ce qui serait instruit et alimenté par le médecin du travail et l’IST dans le respect du secret professionnel et dans la limite de ce qui est strictement nécessaire à l’exercice de leur mission.
  • Préciser les grandes règles de l’écriture au DMST : les écrits doivent être factuels, sans jugement, ils doivent faire ressortir comment le salarié vit son travail, ce qui fait sens pour lui et les éléments précisant le lien santé travail des évènements de santé repérés.
  • Préciser, si le dossier médical n’est pas accessible temporairement à l’IST, s’il y a une possibilité de retranscrire l’ESTI sur une feuille de papier libre qui devient de facto élément du DMST, et la façon dont le contenu y sera réintégré.

- Préciser les modalités concernant les examens cliniques. Par exemple :

  • l’IST voit les salariés en visite périodique, seulement si le médecin du travail a déjà réalisé une visite périodique ou d’embauche et si l’infirmière connait les conditions de travail des salariés en ayant visité l’entreprise.
  • ’IST fera un suivi en alternance avec les visites d’aptitude du médecin du travail.

- Préciser, les conditions de l’orientation du salarié vers le médecin du travail après l’ESTI :

  • Lorsque le salarié le demande.
  • Dans tous les cas où un problème de travail ou de santé est soulevé, et alors le médecin responsable doit en être informé.

- Préciser les modalités d’orientation médicale en urgence, concernant le médecin traitant en cas d’urgence et en l’absence du médecin du travail sur place

- Préciser les modalités d’informations de l’IST concernant « le médecin du travail remplaçant » au sens règlementaire, en cas d’absence du médecin du travail en titre.

- Préciser les examens que l’IST a la latitude de déployer et sur quels critères :

  • systématiquement,
  • selon les surveillances renforcées,
  • selon certaines situations médicales.

- Préciser les moments de rencontre MduT – IST :

  • les modalités des staffs réguliers pour discuter de l’activité d’ESTI et des problèmes rencontrés,
  • qu’en cas de difficultés, il est nécessaire d’en discuter plus rapidement, et selon quelles modalités.

B- Quels éléments du contenu professionnel de l’ESTI intégrer dans son Protocole ?

L’ESTI contribue à mettre en visibilité le lien santé - travail (compréhension des situations de travail via l’analyse médicale du travail).
L’IST a un rôle d’information et de sensibilisation sur l’hygiène et la sécurité en général, sur le poste de travail occupé et sur les risques. Il peut dans ce cadre apporter des conseils sur l’aménagement des postes de travail et des risques encourus, sur les règles hygiéno-diététiques en rapport, sur le port des EPI (caractéristiques, limites, type, maintenance), sur la mise à jour des vaccinations etc.

Recueillir des éléments médicaux personnels contextuels
- Le recueil des antécédents familiaux est à écrire avec une perspective d’introduction et d’instruction du lien santé-travail. Ces renseignements peuvent présenter un intérêt pour l’éventualité de l’existence de maladies héréditaires ou de terrains familiaux qui peuvent avoir des liens avec les effets de certaines expositions, un asthme familial par exemple, mais doivent être interprétés avec le médecin avec une grande prudence.
- Le recueil des éléments concernant les enfants. Ces renseignements n’ont d’intérêt que pour nouer un contact de confiance, de prise en compte globale du déroulement d’une vie d’une personne que l’on suivra plusieurs années.
- Le recueil des antécédents personnels médicaux et chirurgicaux déclaratifs, datés si possible.
- Lorsqu’un salarié apporte des résultats d’examens (radiographie, IRM, scanner, etc), faire la copie du compte-rendu pour le mettre dans le dossier de médecine du travail. Même chose pour des CR opératoires.

Recueillir des éléments du Curriculum Laboris
Il est impossible pour l’IST de recueillir l’ensemble des éléments de risques professionnels d’une carrière professionnelle. Ce qui est important est de commencer à repérer temporellement les différents métiers déployés et les tâches et activités professionnelles qui y ont été effectués. Pour certaines activités, des grilles de questionnement pourront aider à interroger le salarié de façon pertinente. Ces éléments pourront être rattachés à des « fiches de poste source » pour en repérer la possibilité de facteurs de risque en termes de conditions environnementales ou organisationnelles de travail.

La consultation IST adossée à la clinique du travail
Situer l’entreprise, le secteur professionnel,
Situer le Poste de travail : nature du contrat, horaires prescrits et horaires réels de travail, congés hebdomadaires,
Prendre connaissance du travail prescrit.
Investiguer les questions concernant le travail, l’activité déployée, c’est-à-dire le travail réel du salarié, en faisant raconter des éléments d’activité sous forme de récit très concret:

  • comment vous y prenez-vous ?
  • avec quoi travaillez-vous ?
  • seul ou avec qui ?
  • où ?
  • à quel rythme ?
  • les pauses ?
  • quelles satisfactions ?
  • qu’est-ce qui ferait difficulté éventuellement dans le travail ?
  • questionner la qualité des rapports sociaux : rapports avec les collègues, la hiérarchie.

Important : éclairer les plaintes aux rapports éventuels avec le travail, au « faire ».

Questions médicales

- Interroger sur les événements de santé survenus depuis le dernier entretien et la date de leur survenue (arrêt de travail, date et durée).
- Interroger sur les symptômes actuels (douleurs, gêne pour…, sommeil, digestif, humeur, etc…).
- Examens complémentaires faits au cabinet médical ciblés en fonction du travail ou d’éléments médicaux justifiant leur nécessité et à partir de protocoles.
- Biométrie en général. Comparaisons, évolutions.
- Interroger sur la consommation de tabac, alcool, prise de médicaments ou autres substances, pour permettre d’en investiguer le lien avec le travail.
L’IST doit pouvoir donner des conseils de prévention individuels essentiellement en rapport avec le poste de travail (sommeil, protection individuelle contre les risques professionnels,…) et éventuellement avec l’hygiène de vie confrontée aux contraintes du travail, notamment alimentaires, addictions, ….

Remise de la fiche de suivi
Le SST y est toujours identifié, le nom du médecin du travail toujours indiqué.
Cette fiche ne doit en aucun cas prêter à confusion avec celle rédigée par le médecin du travail. Il ne doit en aucun cas être fait mention d’aptitude. Les préconisations antérieures éventuelles du médecin du travail ne peuvent y être modifiées.

3.3-4. Protocole de l’exercice infirmier en AMT
Les protocoles de l’exercice infirmier, protègent son exercice en conférant un cadre par le médecin du travail, au champ d’intervention de l’IST: Action en Milieu de Travail (AMT), recueil de données, veille, alerte.

  • Préciser l’organisation de l’Action en Milieu de Travail de l’infirmière en rapport avec les ESTI :
  • modalités d’intervention dans les entreprises avec ou sans le médecin du travail,
  • participation au CHSCT avec le médecin du travail et avec l’accord des membres du CHSCT
  • éducation pour la santé, sensibilisation des salariés : le choix des thématiques est à définir en fonction des priorités de l’équipe médicale, le contenu de l’intervention se fait en collaboration MDT/IST

Exemple de PROTOCOLE d’intervention de l’IST en milieu de travail (AMT):
« L’Action en Milieu de Travail a exclusivement pour objet la santé des salariés et l’amélioration des conditions de travail.
Le protocole d’action en milieu de travail (AMT) sous la responsabilité du médecin du travail est rédigé avec l’infirmière.
L’action, qu’elle soit conjointe avec le médecin ou non, ou associant d’autres membres de l’équipe pluridisciplinaire, est programmée avec le médecin et l’infirmière et, le cas échéant, avec l’équipe pluridisciplinaire. Elle est placée sous la responsabilité du médecin du travail.
Un compte rendu est remis à l’employeur et le CHSCT ou à défaut, aux DP.
Une note portant sur l’action en milieu de travail et identifiée, est datée et figure dans le dossier commun partagé avec l’équipe pluridisciplinaire. »

Vignette clinique 4

Monsieur R, entreprise de thermo-laquage

L’infirmière débutant en santé travail est en formation d’ESTI, le médecin l’accompagne pour cet entretien dans le cadre du compagnonnage
- Monsieur R âgé de 19 ans travaille dans une entreprise de thermo laquage. Mr R n’a pas réussi à achever son CAP de plomberie. Il n’a actuellement pas de permis de conduire et pendant 6 mois il a effectué des petits boulots sans rapport avec la plomberie. Il travaille dans l’entreprise actuelle afin de réunir une somme suffisante pour pouvoir s’acheter une voiture et reprendre son CAP de plomberie. Nous comprenons que monsieur R ne restera probablement pas très longtemps dans l’entreprise puisque son travail actuel ne correspond pas à son projet professionnel initial. Les antécédents familiaux et professionnels sont explorés

Puis une investigation sur le travail
- Mr R passe des sous couches de peinture au pistolet. Il suspend les objets à peindre sur un rail (pour les objets lourds il se fait aider par un collègue, l’entraide est de mise dans l’entreprise). Il fait uniquement des sous couches blanches ou noires. L’infirmière pose cette question pour savoir s’il existe un risque chimique supplémentaire du fait de l’introduction de couleurs, ce qui signifierait des compositions différentes.
- Mr R ne fait pas non plus de mélanges de peintures. L’infirmière demande alors s’il met des gants. Elle apprend alors par le médecin qu’il ne s’agit pas d’une peinture liquide mais d’une peinture en poudre. Elle ne contient pas de solvants et la pénétration n’est pas cutanée mais respiratoire. Les gants, dans ce cas, protègeraient seulement des salissures.
- Mr R porte un masque de ventilation assistée qu’il range et qu’il met en charge à l’entrée de l’usine lorsqu’il quitte son service.
- Mr R dit qu’il respire néanmoins de la poussière de peinture malgré son masque car lorsqu’il se mouche ses sécrétions sont noires. Le médecin est intervenu pour demander au salarié s’il travaillait dans une cabine ventilée et si oui où se trouvait les aspirations. Il a également demandé s’il y avait nécessité d’un dégraissage des pièces avant recouvrement
- Mr R dit qu’il y a des aspirations latérales et par le sol et que l’activité de dégraissage est rare et qu’il utilise des solvants. L’infirmière ne connaissant pas ce métier n’avait pas du tout pensé que ce travail se faisait dans un contexte de protection rendu obligatoire pour protéger les salariés.
- Mr R étant de forte corpulence (il pèse 94 kg pour 1m68) et l’entreprise n’ayant pas de combinaison à sa taille, il utilise des tenues personnelles lavées à son domicile par sa mère. Elle effectue un lavage isolé de ses vêtements de travail. L’infirmière s’est alors informée sur la possibilité de prendre une douche à la fin du poste de travail. Elle a également cherché à savoir comment se passaient les pauses et si le salarié fumait et quelle hygiène des mains avant de fumer ou de manger et à cette occasion elle a pu aborder les pratiques alimentaires de ce salarié en surpoids, sans chercher aucunement le culpabiliser. (Cet aspect de l’entretien est familier à la profession d’infirmière). Cette problématique du lavage des tenues au domicile fera l’objet d’une alerte auprès de l’employeur avec recherche de solution.
- Une fois la sous couche passée, il pousse l’objet vers le four. Les objets peints restent accrochés sur le rail pendant toute la cuisson. Le produit peint et cuit ressort de l’autre côté du four. La cuisson du four se fait à 150°. Il n’utilise pas de gants pour ressortir l’objet car il emploie un crochet pour tirer le rail. Il dit qu’il n’a pas de pénibilité particulière à son poste. Cependant on peut supposer qu’il est à ce moment exposé à la chaleur du four. C’est l’occasion pour l’infirmière de donner des conseils sur l’hydratation et de creuser un peu plus les effets de cette exposition.
- Son environnement de travail est bruyant, Mr R utilise donc en permanence des protections auditives. Nous pouvons noter l’usage de la soufflette qui augmente le niveau du bruit puisqu’il l’utilise pour nettoyer son poste de travail. Un audiogramme sera réalisé à la fin de l’entretien et il montre un léger déficit dans les fréquences 4000 à 6000 Hz. L’infirmière cherche à connaitre le type d’EPI, comment sont-ils entretenus etc..

Investigation sur la santé
- Mr R ne présente pas de douleurs, pas de prise de médicament. Il fume 4 cigarettes par jour depuis l’âge de 15 ans et fait une petite activité sportive (footing). Sa TA et sa vision sont correctes. Dans le protocole établi avec le médecin un bilan sanguin est demandé : NFS, plaquettes, Plombémie, PPZ, test hépatiques.

En conclusion
Ce salarié ne ressent pas de pénibilité particulière au poste. Mais il est nouveau dans le métier et envisage de ne pas rester sur ce poste. Il est cependant exposé à un certain nombre de risques comme le bruit, les produits chimiques, la manutention de charges et la chaleur.
Le médecin conscient de la nécessité de connaitre les postes de travail organise une visite avec l’infirmière.

Le poste de travail
La cabine de peinture montre une aspiration par le sol uniquement. La protection respiratoire individuelle associée à la cabine n’est pas complètement efficace puisque Mr R précise qu’il « mouche sale le soir ». La peinture en poudre est aspirée, filtrée et tamisée puis récupérée dans les sacs en papiers qui seront récupérés par une entreprise de recyclage. Le dégraissage se fait uniquement avec de l’alcool à bruler. On apprend que des retouches de peintures sont effectuées à la bombe juste avant l’emballage du produit L’opératrice en charge de cette opération se protège-t-elle de l’aérosol ? L’opération est-elle fréquente ? C’est une question qui sera explorée lors de l’entretien de santé individuel de cette salariée.
C’est forte de ces constats que les prochains entretiens des salaries à ce poste pourront être orientés. Nous avons pu constater que beaucoup d’employés ne mettaient pas leurs protections auditives alors qu’à l’évidence le niveau de bruit est toxique puisqu’il faut élever la voix pour de faire entendre. Lors de la visite l’infirmière a constaté que les salariés nettoyaient leur poste au balai et qu’il n’y avait pas d’aspirateur dans l’entreprise.
La visite d’entreprise est primordiale pour comprendre comment le salarié s’y prend pour effectuer sa tâche. Les prochains entretiens des salaries à ce poste seront enrichis grâce à la connaissance des conditions réelle du travail.

Dans cet exemple succinctement résumé,
- L’infirmière a eu une approche par la santé. Elle s’intéresse aux effets du bruit sur la santé (Port de protections auditives ? audiogramme réalisé), à l’hygiène corporelle (douche dans l’entreprise), à l’hygiène de vie du salarié au travail et dans sa vie extraprofessionnelle (alimentation, sport). Elle donne des conseils de prévention et insiste sur l’importance d’une bonne hydratation lors d’un travail à la chaleur. Elle prend en compte le salarié dans sa globalité à savoir s’il présente une réaction à un problème de santé présent ou potentiel lié à son milieu de travail, à sa tâche ou a un problème de santé sans lien avec le travail mais pouvant avoir un impact sur son maintien dans l’emploi et dans son bien-être au travail. Par ses questions elle a pu amener le salarié à réfléchir sur ses pratiques pour protéger sa sante.
- Le médecin a eu l’expertise des expositions : peinture en poudre, solvants … et des effets sur la santé ces deux visions ont été complémentaires.
- Cet entretien a permis de passer de l’individuel au collectif en effet le médecin a pu alerter l’employeur sur l’entretien des tenues de travail. La visite du poste qui a été programmée a permis de percevoir l’ambiance de travail, les risques pour la santé qui n’avaient pas été relevés dans le travail prescrit (utilisation de la bombe aérosol, bruit, aspiration de la cabine, procédures de nettoyage.). Fort de ces constats le protocole de suivi de ces salariés a été revu. L’infirmière embauchée dans ce SST a été d’emblée inscrite en formation universitaire en santé travail.

Parallèlement à cette formation a été mis en place un mode d’apprentissage de l’acquisition d’un savoir-faire clinique en santé travail spécifique d’une approche d’infirmière. L’apprentissage de la pratique de l’infirmière s’est fait par étapes.
La mise en place des entretiens infirmiers s’est faite sur la base d’un protocole établi en commun avec l’équipe locale de santé au travail (médecin, secrétaire et infirmière). L’infirmière est passée par le secrétariat médical pour comprendre le rôle pivot de la secrétaire et l’organisation des convocations etc. L’infirmière travaillant avec un médecin tuteur a pu assister pendant un temps à la consultation du médecin. Durant les premières consultations, l’infirmière a écouté et pris des notes très fournies. Il s’agissait d’une véritable période de découverte de métiers et de travaux extrêmement variés. Une discussion courte avec le médecin, sans le salarié, apportait les précisions, soit sur l’entreprise, soit sur l’histoire du salarié.
Ces échanges avec le médecin ont permis aussi aux deux professionnels de s’enrichir mutuellement. L’infirmière se nourrit de l’expérience du médecin, ce dernier s’intéresse à l’angle de vue de l’infirmière dans la prise en charge des salariés durant l’entretien. Cette expérience riche de découverte de ces deux professions sur le champ de la santé au travail a permis aussi de cimenter la confiance mutuelle, facilitant la coopération future entre deux professionnels dont les métiers sont complémentaires.
Elle a ainsi pu comprendre que lors de l’entretien :
- il y a certes un recueil de données, une analyse de ces données, une hypothèse sur le risque santé et de possibles projets d’actions d’évaluation de niveaux d’expositions et de prévention à mettre en place,
- mais aussi et surtout que cet entretien permet de faire ressortir le vécu du salarié, d’essayer de faire exprimer ce que cela fait de travailler , ce qui est particulièrement pénible, ou agréable, de savoir comment on s’en sort au milieu des contraintes physiques, chimiques, organisationnelles, de connaitre la relation avec son collectif de travail afin de mesurer aussi les risques psycho sociaux.
Afin de mettre en ordre cet afflux désordonné de perceptions, l’infirmière a écrit sur les conseils du médecin l’observation de certains cas retenus pour leur particularité relevant soit du travail, soit d’un abord inhabituel. Cette technique avait pour objectif de conduire l’infirmière à décortiquer un cas afin d’acquérir une technique d’analyse plus affutée. L’écrit était ensuite discuté avec le médecin

Un certain nombre de principes sont ressortis de ces analyses :
L’approche de l’entretien ne tient pas forcement compte de la trame donnée par le dossier médical : à savoir débuter par les antécédents médicaux et terminer par les problèmes de santé. Un autre fil conducteur est parfois déroulé, il permet de rebondir d’un point à un autre au fur et à mesure des questions, sans omettre un point de l’entretien, comme une sorte de jeu de renvois, qui néanmoins s’accrochent tous les uns aux autres car pour réussir un entretien il faut rentrer en relation avec le salarié par une interaction continue et réciproque pour pouvoir installer un climat de confiance.
Pour réussir un entretien il faut parvenir à adapter la trame de l’entrevue à l’état émotionnel que le salarié donne à voir. La clinique est construite sur des matériaux qu’on analyse : histoire singulière, paroles, attitudes corporelles, perception de ce qu’on devine. Il faut conduire le salarié pour apprendre à connaitre sa situation de travail. Les salariés ont souvent du mal à raconter ce qu’ils font. Ils ont pour beaucoup tendance à parler de leur travail prescrit en occultant leur travail réel. Lorsque l’infirmière a commencé ses premiers entretiens en binôme avec le médecin, elle s’est trouvée en difficulté ne connaissant pas les lieux de travail et les effets sur la santé de certaines expositions.

 

3.4- L’importance du Care pour l’ESTI

3.4-1. Eléments réflexifs à partir du curatif pour des repères sur le Care en prévention primaire

On ne peut pas soigner uniquement avec de la science et de la technique aussi nécessaires qu’elles puissent être par ailleurs. Dans tout acte médical il entre une part importante et même parfois absolument décisive de care.
Ce concept est difficile à traduire. Il vient de l’américain « To care » : soin, souci, sollicitude, dévouement. Ou avoir soin de… Ce sont les soins liés aux fonctions de la vie. Le « CARE » recouvre les soins permanents et quotidiens, ayant pour fonction d’entretenir la vie en la nourrissant en énergie.
Le « CARE » est aujourd’hui considéré comme intégrant plus globalement « le souci des autres » qui permet de le dégager de l’emprise des soins pour aller dans le champ du « prendre soin ».
Mais ce concept ne relève pas, comme on l'a longtemps cru, du seul souci des autres ni d'une préoccupation spécifiquement féminine, mais d'une question politique cruciale recoupant l'expérience quotidienne de la plupart d'entre nous.
Le care dans le sens de sollicitude a une connotation sentimentaliste qui le relègue vers l’espace intime.

Pour Joan Tronto qui a été la première à avoir étudié le care sous un angle sociologique, le care n’a pas de lien avec l’engagement affectif et la relation face à face n’est pas une condition du care. Ceci contrairement aux théories maternalisantes de Gilligan [43] qui pense que la relation mère enfant est le modèle de toute relation de care car elle répondrait aux besoins d’un autre vulnérable et dépendant.
Or le care s’adresse à chacun d’entre nous, nul ne peut prétendre à l’autosuffisance. Nous sommes tous vulnérables. Non seulement nous commençons notre vie en enfant et finissons pour certains d’entre nous infirmes ou fragiles, mais chaque jour nous avons besoin de soins pour préserver nos vies. Chacun de nous est le centre d’un réseau complexe de relations de care.

Il est important de comprendre que le care est d’abord et avant tout un travail (Pascale Molinier). Les infirmiers le savent bien, prendre soin de l’autre est une véritable activité de service qui mobilise une importante énergie affective et qui reste souvent peu reconnue et valorisée par les autres.
Mais le « travail du care » est un travail invisible. Pascale Molinier souligne que ce travail invisible se voit avant tout quand il est raté ou qu’il n’est pas fait.

Le Care dans la profession d’infirmière
Le prendre soin est la base des pratiques soignantes
Les activités du métier d’infirmières sont bien spécifiées dans leur décret de compétences [44]. Celles-ci sont rédigées en termes de capacités devant être maîtrisées par les professionnels et attestées par l’obtention du diplôme d’Etat :

La première de ces compétences, « Evaluer une situation clinique et établir un diagnostic dans le domaine infirmier », concerne bien le rôle infirmier en sante travail.
Les cinquième et sixième compétences : « Initier et mettre en œuvre des soins éducatifs et préventifs » et « Communiquer et conduire une relation dans un contexte de soins » entrent bien évidemment dans le champ de la santé travail.

3.4-2. Le Care en Santé au Travail ?

Joan Tronto [45] suggère que « le care soit considéré comme une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre « monde » de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nous-mêmes et notre environnement, tous éléments que nous cherchons à relier en un réseau complexe, en soutien à la vie ».

Les différents aspects du Care peuvent tout à fait se décliner en santé travail :

• Le « caring about » (se soucier de), qui implique la reconnaissance d’un besoin et de la nécessité d’y répondre. Ce qui suppose une capacité éthique d’attention ;
• Le « taking care of » (se charger de, prendre soin de) qui renvoie à la responsabilité (morale) de répondre au besoin identifié ;
• Le « care-giving » (donner des soins) qui recouvre la pratique du soin. Celle-ci implique la mobilisation d’une compétence ;
• Enfin celle du « care-receiving » (recevoir des soins) qui renvoie, pour Tronto, à la réaction de celui qui reçoit le soin et achève le cycle, en ce sens que celui qui reçoit les soins est seul à même de dire si les soins qu’il a reçus ont été efficaces et pertinents.
• Les « bons soins ». Ceci suppose une autre qualité morale essentielle : la « réceptivité » (responsiveness) [46] .

Nous pourrions aussi évoquer les principes fondateurs du caring selon Jean Watson [47] :

• Les valeurs humanistes et altruistes.
• La croyance et l’espoir.
• Prendre conscience de soi et des autres.
• Le développement d’une relation d’aide et de confiance.
• L’expression de sentiments positifs et négatifs.
• La création d’une méthode scientifique de résolution de problème.
• L’enseignement-apprentissage trans personnel.
• Le soutien, la protection et/ou la modification de l’environnement mental, physique, socio-culturel et spirituel.
• La gratification des besoins humains du bénéficiaire.
• Les forces existentielles-phénoménologiques spirituelles.

3.4-3. Le Care dans les ESTI ?

Le fait de « prendre soin » ou de pratiquer le care suppose que la relation n’est pas seulement une relation à, mais une relation entre, ayant une profondeur temporelle, affective, et supposant de l’engagement personnel, de la compétence, de l’attention pour pouvoir exister comme telle.
La formation des infirmiers nécessite de très bonnes compétences techniques, base de la confiance soignant soignés et de la confiance entre pairs Conjointement le care a une place essentielle que l’on ne pourra occulter de leurs pratiques. La relation salarié infirmier semble plus aisée de par cette posture intrinsèquement liée à la formation des infirmiers.
De même que pour tout travail, l’entretien infirmier ne peut pas être réduit au travail prescrit. Les protocoles ne fourniront jamais qu’un cadre de référence. L’infirmier mettra en œuvre ses compétences et son savoir-faire pour l’adapter aux besoins singuliers de la personne. Le travail invisible relève justement du care qui représente ce qui n’est pas donné par le travail prescrit.

Dans l’entretien infirmier le care est un sujet sensible, car l’entretien se fait dans un contexte de relations, il est attentif et attentionné. Le care ne doit pas être réduit à une version niaise ou condescendante de la charité. Le care dans l’entretien va permettre de voir ce qui est important et non remarqué. Il va permettre au salarié de percevoir l’importance des choses. La relation à l’autre, le type d’intérêt et de soucis que nous avons des autres, l’importance que nous leur donnons va évidemment donner un sens à l’entretien
Cet entretien devrait permettre au salarié de retrouver du pouvoir d’agir.

3.4-4. La place du Care en clinique médicale du travail et dans la coopération médecin infirmière ?

Si l’on considère le « care » et le « cure » comme deux dimensions du concept de soin fortement liées, comment expliquer la dimension du « care » regroupant l’ensemble des fonctions au quotidien, les soins les plus fondamentaux, les soins d’entretien de la vie, dans un travail d’ESTI où le soin, selon les représentations que l’on peut en avoir, paraît absent ?
L’entretien en clinique médicale du travail dans le cadre de l’ESTI est un soin au sens où il s’agit de « prendre soin de », de travailler à la compréhension des difficultés du salarié qui l’ont conduit à le mettre hors de lui.
Il s’agit de définir une autre dimension du « care » que celle admise en pratique hospitalière, correspondant à l’activité de donner des soins à des patients malades et de sortir du cadre limitatif du soin, versus « cure », en reconnaissant le « care » dans sa dimension sociale et écologique humaine ( Gilles Raymond 2010).
L’IST prend souci de l’autre en rendant visible, le visible aux yeux des hommes et des femmes, lesquels lui permettent d’instruire la consultation infirmière. « Les savoir-faire discrets consistent à anticiper les difficultés ou les besoins d’autrui » (P .Molinier 2006 p145). Ce savoir-faire influe directement sur la relation et la confiance du salarié et permet la construction de l’ESTI.

L’ESTI est une activité de travail socialement construite en collaboration avec le salarié dans une situation déterminée. Il appartient au « care » car « il produit un travail réalisé en réponse aux besoins des autres » (P. Molinier 2006 p 145) pour les aider à construire leur santé au travail dans un espace-temps et des situations particulières. C’est en cela que l’ESTI est un acte de soin au sens de « prendre soin de ».
Le fil rouge de l’ESTI est le travail. L’IST a besoin de comprendre ce qui se joue dans le travail pour faire des liens avec la santé passée, présente et future dans un objectif de prévention pour le salarié et pour le collectif.
Le « care » vient en soutien du salarié en difficulté et permet la restauration du pouvoir d’agir, d’avoir prise sur les choses (Y.Clot).
Le « care » en clinique médicale du travail est invisible pour le salarié au sens où « prendre soin du salarié » se fait dans la co-élaboration et la co-construction de l’entretien avec lui.
Le travail de « care » est mis en visibilité dès le résultat du travail clinique de l’infirmière et du médecin. Le « care » dans le travail en coopération avec le médecin est lié à une pratique de clinique médicale du travail en prévention primaire, portée à la fois par les deux métiers et non attribuable au seul métier d’infirmière en médecine du travail.

Vignette clinique 5

Renato, technicien en électricité

Renato 30 ans est technicien en électricité et intervient chez les clients pour la maintenance d’appareils de prévention pour les incendies. Il est embauché depuis 4 ans. Il est vu en ESTI.
Il ne va pas bien, ne dort plus depuis une quinzaine de jour, est amaigri (perte de poids de 7 kg) depuis la dernière visite. Il dit avoir fait un « burn- out » l’été dernier, évoque une surcharge de travail mais n’a pas été arrêté par son médecin. Il a « une boule au ventre » et a subi plusieurs examens médicaux afin de découvrir l’origine de son amaigrissement, de ses nausées et de ses spasmes intestinaux. Tous se sont révélés négatifs. Il ne fait part d’aucune difficulté dans la sphère familiale. « C’est le travail, je n’en peux plus » dit-il avec certitude.
Essayer de comprendre ce qui se passe dans le travail est essentiel pour comprendre ce qui perturbe le salarié au point d’altérer sa santé.
Il s’agit de questionner le travail et le travailler en faisant raconter par le salarié, la survenue possible, d’événements déclencheurs et leurs chronologies. Y a-t ’il eu des changements dans la société, des changements de direction , de cap, de clients, de procédés, de hiérarchie ou de méthodes de management. Puis nous l’interrogeons sur le contenu de son travail en lui faisant raconter ses difficultés, ce qu’il fait, ce qu’il devrait faire, ce qu’il peut faire ou ne pas faire, ou ce qu’il dit ne plus pouvoir faire, l’ensemble des enjeux subjectifs du travail.

Il nous raconte :
« L’entreprise familiale a été rachetée il y a 2 ans par un grand groupe. C’était une équipe bien construite, volontaire, on allait tous dans le même sens. Le directeur nouvellement nommé était un ancien de l’équipe mais il est parti au bout d’un an. Un nouveau commercial a détourné une part de mes commissions obtenues après des heures que j’avais passées sur des dossiers au profit d’autres salariés ».
Comprenant que la situation de travail est compliquée et va nécessiter du temps pour permettre au salarié de raconter son histoire, « de prendre soin » du récit qu’il va nous livrer, nous demandons au médecin du travail de participer à l’entretien et un nouveau rendez-vous est alors proposé à Renato.
Le nouveau responsable n’est pas aidant vis-à-vis de son équipe. Les entreprises clientes doivent s’assurer que les techniciens disposent bien des habilitations nécessaires. Par exemple d’habilitation électrique. Le nouveau responsable commercial ne leur fournit pas les certifications. Or la règlementation évolue, et des formations sont à prévoir pour la mise à jour des interventions. Si bien que lorsque Renato se présente chez le client, il se retrouve en difficulté : soit il ne peut faire état de l’habilitation, et se voit refuser l’accès à l’armoire électrique, soit il fait état auprès du client qu’il n’est pas autorisé à intervenir sur ce type d’intervention, et de retour d’intervention, se fait sanctionner par son chef au motif que de son point de vue, il a refusé de s’acquitter d’une intervention qu’il faisait couramment du temps de la structure familiale de la société. Il y a donc un conflit sur la question des habilitations qui pourrait se régler facilement : des fiches de postes indiquent les documents nécessaires à produire pour rassurer le client et assurer la sécurité de l’intervention. Mais ces fiches sont mal rédigées et autorisent toutes les dérives.
Renato est attaqué dans sa professionnalité : « Cela ne me correspond pas, je ne suis plus dans le cadre de mon travail »
-La fiche de poste n’a-t-elle pas été transmise ?
« Vous faîtes tout ce qu’on vous dit, c’est tout »
-Et les procédures et l’habilitation électrique ?
« J’avais l’habilitation pour faire tout ce que j’avais à faire mais aujourd’hui, on continue à me faire faire, mais j’ai plus le droit : soit je suis en difficulté parce que je connais le travail mais ne peux pas le faire , soit mon employeur me dit : « tu sais faire donc, tu fais » mais le client me demande une habilitation que je n’ai pas et au moment du plan de prévention, et le client me dit : « t’as pas d’habilitation , tu peux pas travailler » et quand on rentre on se sent mal.
-Qui arbitre, qui donne les décisions en ce qui vous concerne, comment se fait-il que cette responsabilité est reportée sur vous ? Qui donne le bon degré d’habilitation ?
« Normalement c’est le chargé d’affaire qui est notre responsable direct mais il est parti en burn-out et l’autre chargée de missions est en congé maternité, donc, ils ont mis une commerciale qui ne connaît pas le travail ».
-Et plus haut, le Directeur d’agence, le Directeur Régional ?
« Je suis en conflit parce que j’avais exercé mon droit de retrait du fait que je ne voulais pas me mettre en danger sur une situation nécessitant l’habilitation ».
-Comment voyez-vous la suite comment allez-vous pouvoir continuer à travailler ?
Renato reprend confiance en lui : « Je vais mettre les points sur les i, j’aime mon métier et je vais contacter le CHSCT car il y a d’autres collègues malades à cause de tout ça, je suis bien décidé à me battre ».

Commentaires
L’entretien en clinique médicale du travail dans le cadre de l’ESTI est un soin au sens où il s’agit de « prendre soin de », de travailler à la compréhension des difficultés du salarié qui l’ont conduit à le mettre hors de lui.
Il s’agit de définir une autre dimension du « care » que celle admise en pratique hospitalière, correspondant à l’activité de donner des soins à des patients malades et de sortir du cadre limitatif du soin, versus « cure » en reconnaissant le « care » dans sa dimension sociale et écologique humaine ( Giles Raymond 2010).
L’IDEST prend souci de l’autre en rendant visible, le visible aux yeux des hommes et des femmes, lesquels lui permettent d’instruire la consultation infirmière. « Les savoir-faire discrets consistent à anticiper les difficultés ou les besoins d’autrui » (P .Molinier 2006 p145). Ce savoir-faire influe directement sur la relation et la confiance du salarié et permet la construction de l’ESTI.
L’ESTI est une activité de travail socialement construite en collaboration avec le salarié dans une situation déterminée. Il appartient au « care » car « il produit un travail réalisé en réponse aux besoins des autres » (P.Molinier 2006 p145) pour les aider à construire leur santé au travail dans un espace-temps et des situations particulières. C’est en cela que l’ESTI est un acte de soin au sens de « prendre soin de ». Le fil rouge de l’ESTI est le travail. L’IDEST a besoin de comprendre ce qui se joue dans le travail pour faire des liens avec la santé passée, présente et future dans un objectif de prévention pour le salarié et pour le collectif.
Le « care » vient en soutien du salarié en difficulté, et permet la restauration du pouvoir d’agir, d’avoir prise sur les choses ( Y.Clot).
Le « care » en clinique médicale du travail est invisible pour le salarié au sens où « prendre soin du salarié » se fait dans la co-élaboration et de la co-construction de l’entretien avec lui. Le travail de « care » a été mis en visibilité dès le résultat du travail clinique de l’infirmière et du médecin en ce qui concerne Renato.
Le « care » dans le travail en coopération avec le médecin est lié à une pratique de clinique médicale du travail en prévention primaire, porté à la fois par les deux métiers et non attribuable au seul métier d’infirmière en médecine du travail.
Le « care » manifesté dans l’ESTI correspond à un objectif particulièrement bien ancré dans le métier d’infirmière, celui de veiller au maintien et à la restauration de l’autonomie du patient, ce qui correspond à la récupération du pouvoir d’agir explorée par la clinique médicale du travail.


Dispute professionnelle-3

 

  • Quelles pratiques et règles professionnelles déployer:
    • Du médecin
    • De l’infirmière santé au travail
    • Du binôme
  • Comment rédiger un protocole pour l’ESTI, support de l’engagement de responsabilité du médecin, et de la coopération entre nos deux métiers.
  • Qui rédige un protocole ? En quoi l’existence de protocoles protège-t-elle l’exercice professionnel de l’IST ?
  • A quels questionnements devrait répondre le protocole ? Quels éléments du contenu professionnel de l’ESTI intégrer dans son Protocole ?
  • Dans le métier d’IST, quelle place pour le « care », le « prendre soin » ; quelle articulation spécifique avec le « travailler » ?
  • Comment expliquer la dimension du « care » dans un travail d’ESTI où le soin, selon les représentations que l’on peut en avoir, paraît absent ?

________________________________________

37- Article L4011-1 du code de la santé publique Modifié par LOI n°2013-1203 du 23 décembre 2013 - art. 35 (V) Par dérogation aux articles L. 1132-1, L. 4111-1, L. 4161-1, L. 4161-3, L. 4161-5, L. 4221-1, L. 4241-1, L. 4241-13, L. 4311-1, L. 4321-1, L. 4322-1, L. 4331-1, L. 4332-1, L. 4341-1, L. 4342-1, L. 4351-1, L. 4352-2, L. 4361-1, L. 4362-1, L. 4364-1, L. 4371-1, L. 4391-1, L. 4392-1 et L. 4394-1, les professionnels de santé peuvent s'engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération ayant pour objet d'opérer entre eux des transferts d'activités ou d'actes de soins ou de réorganiser leurs modes d'intervention auprès du patient. Ils interviennent dans les limites de leurs connaissances et de leur expérience ainsi que dans le cadre des protocoles définis aux articles L. 4011-2 à L. 4011-3.
Le patient est informé, par les professionnels de santé, de cet engagement dans un protocole impliquant d'autres professionnels de santé dans une démarche de coopération interdisciplinaire impliquant des transferts d'activités ou d'actes de soins ou de réorganisation de leurs modes d'intervention auprès de lui.

38-Article L. 4623-1 - Code du Travail
Un diplôme spécial est obligatoire pour l'exercice des fonctions de médecin du travail.
Par dérogation au premier alinéa, un décret fixe les conditions dans lesquelles les services de santé au travail peuvent recruter, après délivrance d'une licence de remplacement et autorisation par les conseils départementaux compétents de l'ordre des médecins, à titre temporaire, un interne de la spécialité qui exerce sous l'autorité d'un médecin du travail du service de santé au travail expérimenté.
Article R. 4623-2 - Code du Travail
Seul un médecin remplissant l'une des conditions suivantes peut pratiquer la médecine du travail :
• 1°) Etre qualifié en médecine du travail ;
• 2°) Avoir été autorisé, à titre exceptionnel, à poursuivre son exercice en tant que médecin du travail en application de l'article 28 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 ou de l'article 189 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ;
• 3°) Etre titulaire d'une capacité en médecine de santé au travail et de prévention des risques professionnels.

39-Le médecin du travail assure personnellement l'ensemble de ses fonctions, dans le cadre des missions définies à l'article R. 4623-1. Elles sont exclusives de toute autre fonction dans les établissements dont il a la charge et dans le service interentreprises dont il est salarié.
Toutefois, le médecin du travail peut confier certaines activités, sous sa responsabilité, dans le cadre de protocoles écrits, aux collaborateurs médecins, aux internes, aux candidats à l'autorisation d'exercice aux infirmiers, aux assistants de service de santé au travail ou, lorsqu'elle est mise en place, aux membres de l'équipe pluridisciplinaire. Pour les professions dont les conditions d'exercice relèvent du code de la santé publique, ces activités sont exercées dans la limite des compétences respectives des professionnels de santé déterminées par les dispositions de ce code.

40-Article R4623-31 : Un entretien infirmier peut être mis en place pour réaliser les activités confiées à l'infirmier par le protocole prévu à l'article R. 4623-14. Cet entretien donne lieu à la délivrance d'une attestation de suivi infirmier qui ne comporte aucune mention relative à l'aptitude ou l'inaptitude médicale du salarié.

41-R4623 -14 (protocoles confiés aux infirmiers, assistants de service de santé au travail et équipe pluridisciplinaire) ;R 463-29 (autorisation d’exercice) ;R4623-30 (missions) et R4623-31 (protocole pour l’ESTI)

42-Comme au reste de l’équipe pluridisciplinaire

43-Carol Gilligan est une philosophe et psychologue féministe américaine, née le 28 novembre 1936. Elle est connue pour son travail sur les relations éthiques et le care.

44-http://www.infirmiers.com/pdf/3annexe2competences.pdf

45- TRONTO Joan, Un monde vulnérable. Pour une politique du care, Paris, La Découverte, 2009 [1993] (préface inédite de l’auteure)

46-Idem

47-La Théorie du Caring de Watson. Une approche existentielle-phénoménologique et spirituelle des soins infirmiers, G. Aucoin-Gallant, L’Infirmière Canadienne/The Canadian Nurse, décembre 1990, p. 32-35

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SEQUENCE 4

4. Le métier d’infirmière du travail, les Ecrits en médecine du travail et l’écriture pour chaque métier, le DMST

L’équipe médicale du travail a pour projet de rendre visible les risques et leurs effets dans l’espace de prévention de l’entreprise pour leur prise en compte par les différents acteurs. Le médecin et l’infirmier du travail y tiendront un point de vue humaniste, compréhensif, clinique et exclusif de la santé au travail des salariés.
L’Infirmier en Santé-Travail (IST) contribue au recueil de données cliniques et épidémiologiques, assure un traçage des risques professionnels et participe par ce travail à la veille et l’alerte médicale permettant au médecin du travail de déployer des actions de prévention collective.
Le binôme écrit à la fois dans le dossier médical et le dossier partagé avec l’équipe pluridisciplinaire.
Les écrits sont dispersés, une partie du travail clinique étant relevée dans le dossier informatique, une autre dans le dossier papier, une partie par le médecin, une autre par l’infirmière : quelles pratiques professionnelles pour le binôme pour l’écriture?

4.1- Ecrit médical et contribution de l’infirmière

Les apports du recueil de données de facteurs de risque ou d’étude spécifique que le médecin du travail pourra confier à l’infirmière du travail, pourront nourrir sa « fiche d’entreprise » ou son « rapport annuel d’activité ». Dans ces documents, rien ne fait obstacle à ce que soit citée explicitement la contribution d’une infirmière du travail.
La contribution de l’infirmière à la réalisation de ces documents est envisageable et même souhaitable. Cependant le seul interlocuteur de l’employeur du côté du droit est le médecin du travail.

Ainsi, tout document rédigé pour un tiers si l’IST y a contribué, doit faire apparaître la signature en responsabilité du médecin, à côté de celle l’IST.
Toutefois il est essentiel que le médecin du travail signe tout document auquel aurait contribué l’infirmière du travail et qui engagerait la « mission réglementaire » du médecin du travail. Il s’agit en la matière d’inscrire le travail de l’équipe médicale relevant du code de la santé publique, à la fois dans un cadre de droit protecteur pour l’infirmière du travail, mais aussi dans un cadre qui puisse permettre l’exercice de « plein droit » de la mission du médecin du travail auprès de chaque salarié, de l’employeur et de représentants des travailleurs.
Un écrit d’une infirmière du travail hors de ce contexte, manque de tout support réglementaire et par conséquent est risqué pour cette dernière, et n’ouvre aucune possibilité de prise en compte réglementaire pour l’employeur ou la représentation sociale.
Ceci vaut pour l’ensemble des écrits de l’IST en contribution aux obligations particulières au médecin du travail :
- fiche d’entreprise ;
- écrit à un tiers employeur ;
- écrits en veille et alerte ;
- écriture de l’IST et du médecin dans le dossier partagé avec le reste de l’équipe pluridisciplinaire : recueil de données, compte rendu de visite de poste, action en milieu de travail.

4.2- Bases de l’écriture par l’Infirmier Santé Travail

Le raisonnement clinique infirmier est basé sur une observation active, la pose d'hypothèses et la recherche d’éléments confirmant ou infirmant ces hypothèses, les inférences et les connaissances construites à partir d'expérience antérieures, l'élaboration du sens de soin.
Pour cela la méthode du recueil de données s’appuie sur un entretien. Avec le temps et l'expérience, il s’avère plus productif qu’un questionnaire car les centres de vigilance et d'attention sont plus vastes, et il permet l’investigation par la clinique médicale du travail ainsi que le développement du diagnostic infirmier.
Les anticipations présentes dans l'évolution clinique de l'IDE peuvent donc être bénéfiques pour le patient mais aussi pour le collectif professionnel formé par l’équipe médicale [48].

Il nous parait utile de rappeler ici la réglementation concernant le Rôle propre infirmier :
Décret N° 2004-802 du 29 juillet 2004 du code de la santé publique :

Extrait de l’Article R.4311-2 : « Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l’évolution des sciences et des techniques. Ils ont pour objet, dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologique, psychologique, économique, sociale et culturelle :
1. De protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé mentale des personnes ou l’autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans le cadre de vie familial ou social ;
2. De concourir à la mise en place de méthodes et au recueil des informations utiles aux autres professionnels, et notamment aux médecins pour poser leur diagnostic et évaluer l’effet de leurs prescriptions ;
Etc.….

Pour cela l’infirmier doit mettre en œuvre un certain nombre de compétences attendues [49] ; il doit donc pouvoir:

1. Utiliser les données cliniques, sociales et psychologiques d’un salarié, les analyser dans le cadre d’une démarche clinique infirmière et les transporter dans le dossier ;
2. Évaluer par écrit le plan d’action mis en place afin de prévoir un réajustement de celui-ci.

4.3- transmissions ciblées

L’infirmier a pour mission première de recueillir un certains nombres d’informations utiles pour l’équipe dans le domaine de la mise en place de prévention, primaire, secondaire et tertiaire des risques professionnels : « L’Infirmier en Santé-Travail (IST) contribue au recueil de données cliniques et épidémiologiques, assure un traçage des risques professionnels et participe par ce travail à la veille et l’alerte médicale permettant au médecin du travail de déployer des actions de prévention collective. »

Pour atteindre cet objectif en équipe médicale de santé au travail, il est obligatoire et nécessaire de mettre en place un système d’échange et de communication entre les différents membres de l’équipe, il faut donc se transmettre les informations recueillies et les conserver dans le temps.

Définitions :
La transmission : permet de transmettre, c’est-à-dire communiquer ce que l’on a reçu, permettre le passage, agir comme intermédiaire.
Les transmissions ciblées sont une méthode pour organiser et structurer les transmissions. On y trouve les observations de l’équipe médicale, les préconisations, les réactions et les réponses des salariés concernés.
Les transmissions ciblées peuvent également faire foi de preuve devant les tribunaux.

Objectifs et intérêts :
Les transmissions ciblées résultent d’un raisonnement clinique individuel et collectif qui permet de visualiser la cohérence entre un problème (la Cible) et ses caractéristiques (les Données). Elles orientent le choix des interventions (les Actions) et l’évaluation de l’efficacité (les Résultats). C’est le reflet de la démarche de soins infirmiers [50].
Elles doivent permettre d’établir le diagramme de (soin), de faciliter la continuité de la prise en charge par tous les membres de l’équipe médicale, et de mettre en place un projet ou une conduite de prévention dans le temps.
La transmission ciblée est une manière logique d’organiser l’information narrative centrée sur le patient. La pertinence des cibles est donc essentielle, elle découle du raisonnement clinique infirmier afin de permettre une synthèse de la situation de la personne, rapidement exploitable au niveau de la prise en charge du salarié. Ce dernier est alors au centre de l’intérêt professionnel de l’équipe [51].
La prise en charge globale de la problématique de santé d’une personne requiert la participation de tous les professionnels de santé. Au-delà du respect des soins réalisés par chacun dans le cadre de sa réglementation professionnelle, c’est une véritable coordination entre les actions qui permet d’atteindre la qualité des soins [52].

Pour assurer la qualité de l’information, il faut que cette information soit : hiérarchisée, synthétique et claire, compréhensible, et validée.
Elle doit nécessairement comporter : la date, l’identité du salarié, l’identité du professionnel de santé qui a recueilli ou produit les informations, et de préférence la signature de ce professionnel.

Dans notre activité Santé travail, ces informations représentent la traçabilité des risques professionnels et du suivi du salarié elles doivent donc être retrouvables à tout moment et exploitables par n'importe quel professionnel de l’équipe médicale.
Le suivi d’un collectif : les informations regroupées de vécus individuels de salariés d’une même entreprise apportent une vision collective au médecin dans son approche clinique de la santé au travail et doivent être tracées.

4.4- Choisir un support

4.4-1 Ecriture par l’infirmière dans le DMST [53]

En « service de soins » le dossier du patient est l’outil commun et partagé par l'équipe pour intégrer cette écriture. C’est l’outil d’aide à la décision et l’outil de traçabilité des informations pour chaque membre d’une équipe médicale.
La structure d’écriture proposée pour cette alternance est et doit être commune et partagée par tous les professionnels de santé afin d’éviter les redondances et surtout les ruptures de continuité dans la coordination des soins [54].

De même en médecine du travail, le dossier médical est un outil qui doit garantir la traçabilité et répondre aux exigences légales. (Dossier informatisé et/ou dossier papier)

Les transmissions écrites sont une obligation légale qui fait foi devant les tribunaux et une obligation réglementaire pour la profession d’infirmière. Elles doivent donc faire partie du dossier médical du salarié et pouvoir être consultées par les membres de l'équipe médicale.
En santé travail le DMST peut donc logiquement servir de support pour ces transmissions, et constituer cet outil de transmission partagé par l’équipe, pour chaque travailleur.
Ceci nécessite un protocole du médecin du travail pour une écriture au DMST de l’infirmier et sous sa propre signature.

Ces écrits partagés dans le DMST répondent aux recommandations générales définies par la HAS [55] et comportent donc les transmissions ciblées, le traçage des expositions et la participation à la réalisation du Curriculum Laboris [56]. Ils comportent aussi le recueil de données objectives et subjectives sur le travail (du décrit, du vécu, du vu et du perçu) sur le travail et sur la santé.

Histoire clinique dans le DMST

Ce qui est écrit pendant et à l’issue de l’ESTI est noté dans le DMST informatisé sous son nom. L’IST peut aussi écrire dans le dossier papier du salarié partagé avec le médecin ; il est important que médecin et infirmière utilisent le même support pour faciliter la lecture chronologique. Ce qui est écrit par l’infirmière doit pouvoir être lu par le médecin et inversement ce que le médecin a écrit doit être accessible à la lecture par l’infirmière.
Il arrive que les dossiers médicaux ne soient pas correctement remplis et alors l’IST en suivi périodique des salariés doit reconstruire dans un premier temps l’histoire personnelle du salarié en traçant la situation familiale, le niveau de formation, le début de l’entrée dans la vie active, en notant les dates d’embauche et de sortie des entreprises précédentes, en interrogeant sur les motifs du changement d’entreprise, les éventuelles périodes d’inactivités du salarié

L’histoire professionnelle du salarié est tracée en notant Les métiers et tâches effectuées qui ont exposé et exposent à des risques pour l’élaboration d’un curriculum laboris progressif. Il faut laisser des traces écrites de l’activité en précisant l’entreprise, le poste de travail, le type de contrat, en notant la description de la tâche et celle du travail réellement fait, les expositions en cours, la présence ou non de protections collectives et individuelles , leur port ou non. Il peut être intéressant de préciser l’ergonomie au poste de travail, les conditions de travail, les manutentions, la qualité des outils etc…
Il est important de noter le vécu du travail (la satisfaction, les difficultés, les pénibilités, le rythme, les gênes) ainsi que ce que le salarié dit de la qualité des relations professionnelles (rapports sociaux, coopérations…). Si des conflits sont décrits, il faut préciser depuis quand et à la suite de quel événement dans le travail ils sont apparus. L’infirmière en réfère toujours au médecin en passant les dossiers en staff lorsqu’elle « dépiste » une plainte, des souffrances, des anomalies.

La santé individuelle du salarié prend en compte les évènements de santé potentiellement en lien avec le travail ainsi que les traitements, modifications de traitement qui seront tracés. Il en est de même pour la consommation de tabac, alcool,… qui permet de faire certains liens avec la santé mais aussi le travail. Les signes fonctionnels pouvant être en rapport avec le travail ou les expositions rencontrées au poste de travail seront notés de même que les symptômes actuels (douleurs, gêne pour…, sommeil, troubles digestifs, humeur) et les paramètres de biométrie (pouls, TA, poids, taille ...). L’infirmière a toujours en arrière-pensée le lien possible avec des évènements professionnels. L’observation peut être uniquement fonctionnelle et liée au poste de travail en respectant le décret d’acte infirmier de juillet 2004. Mais l’IST peut noter les empreintes du travail sur le corps car travailler c’est toujours engager son corps dans l’activité: regarder les genoux chez les carreleurs, rechercher les caries dentaires chez les pâtissiers par exemple, les mobilités articulaires… qui permettent de proposer une prévention.

Le dossier médical doit être renseigné le plus complètement possible afin de disposer de toutes les informations le jour où un accident de santé nécessitera de retrouver des repères historiques à la recherche d’éventuels facteurs professionnels de causalité.
Le traçage dans le temps des événements santé-travail permettra aussi si nécessaire la mise en place d’une surveillance post-professionnelle. Le médecin du travail si besoin aura les éléments médicaux et professionnels en cas de saisine d’un dossier médical ou en cas de traitement de litige devant la justice.
Les examens complémentaires protocolisés (audiogramme, EFR, visiotest…) réalisés par l’infirmière selon les mêmes modalités que celles de la pratique du médecin seront tracés dans le dossier médical et feront potentiellement l’objet d’une présentation au médecin du travail lors du staff. La remise par l’infirmière au salarié d’une ordonnance type établie par le médecin du travail pour des examens complémentaires protocolisés en fonction des expositions professionnelles sera tracée dans le dossier.

Si une prise en charge thérapeutique apparaît nécessaire (HTA, sang ou sucre dans les urines) l’infirmière peut donner un courrier au salarié pour son médecin traitant, qui est un document protocolisé dont la copie est intégrée au dossier du salarié. Les modalités de suivi en cas de problème médical sans ou en rapport avec le travail (appel du médecin traitant, orientation en urgence..) sont tracées dans le dossier du salarié.

Attestation de suivi infirmier :

L’entretien donne lieu à la délivrance d’une attestation de suivi infirmier précisant le nom du médecin du travail, signée par l’infirmière. Elle ne comporte aucune mention relative à l’aptitude ou à l’inaptitude médicale du salarié. Si des restrictions semblent nécessaires, elles ne sont pas notées sur la fiche de suivi infirmier mais le médecin du travail sera informé des difficultés au cours de la réunion hebdomadaire, et une consultation sera programmée rapidement avec lui. L‘attestation de suivi infirmier ne comporte aucune mention relative à l'aptitude ou l'inaptitude médicale du salarié (Article R4623-31). L’avis d’aptitude rédigé par le MDT lors de la dernière visite médicale du salarié est valable jusqu’à la prochaine visite du salarié avec le MDT. L’IST ne peut donc pas écrire sur l’attestation de suivi infirmier les restrictions précédemment émises par le MDT. Lorsque le salarié est inquiet pour le maintien du respect des restrictions au poste de travail émises par le MDT, l’IST peut donner au salarié une copie de la dernière fiche d’aptitude, jointe à l’attestation de suivi infirmier. L’attestation de suivi infirmier ne comportera ni les expositions aux risques ni les conseils de prévention qui ont été donnés au salarié et notés dans le DMST.

Vignette clinique 6

Mme P., qui travaille en centre d’appel

Mme P, 47 ans, travaille dans un centre d’appel sous-traitant pour une grande entreprise d’énergie, depuis mai 2011.

1ère visite :
Le 23 mars 2015, Mme P vient en visite à sa demande avec le MDT.
Mme P est manifestement abattue, et dit qu’elle est adressée par son médecin traitant qui a fait un courrier dans lequel il précise que Mme P présente une dépression depuis 1 an, réactionnelle à des pressions professionnelles devenues insupportables selon ses dires. Elle présente des troubles du sommeil et des crises d’angoisse partiellement améliorées par le Valdoxan. Enfin, le médecin traitant précise que les reprises du travail sont de plus en plus difficiles et douloureuses.
Mme P confirme son angoisse à l’idée de reprendre le travail dans l’entreprise. Quand le médecin du travail lui demande de parler de ce qui pose problème dans son travail, elle n’arrive pas à mettre des mots, elle répète en boucle : « c’est l’entreprise ».
Le médecin lui propose alors de reprendre avec elle les éléments notés dans le dossier.
Elle a été vue en visite d’embauche en octobre 2011 par le médecin. Elle ne signalait alors aucun problème au travail et avait quelques petites difficultés à dormir depuis un déménagement récent.
Le médecin lui rappelle qu’elle avait été vue ensuite par l’infirmière en octobre 2013, dans le cadre du suivi systématique, soit environ six mois avant le début de son état dépressif. Il lui lit alors le contenu de l’ESTI, tracé dans le dossier par l’infirmière, à savoir : Mme P se plaint de douleurs lombaires au travail, elle se sent un peu fatiguée mais ne présente pas de troubles du sommeil ni aucun autre signe. Par contre elle se dit insatisfaite de son activité, et précise qu’elle se « lasse » du produit. En fait, elle est « stressée » par rapport à la situation des clients qui appellent et au manque de moyens dont elle dispose pour régler leur problème. La rigidité des procédures et l’organisation de l’entreprise ne lui permettent pas de faire correctement son travail de conseil auprès du client. Par contre, elle se sent bien dans son équipe, qui la soutient et son superviseur est compréhensif.
Mme P se montre alors surprise. Elle dit qu’elle ne se souvient pas avoir parlé de ces problèmes à cette époque, et montre subitement un intérêt pour le contenu de l’ESTI.
Le médecin lui propose de réfléchir à ce qu’elle vient de découvrir puis de la revoir dans quelques jours sur un entretien plus long. Avec l’accord de la salariée, il appelle le médecin traitant pour que Mme P bénéficie d’un arrêt maladie pendant toute cette période.

2ème visite :
Mme P a beaucoup réfléchi après la visite précédente et dit que la « révélation des notes de l’IST lui ont servi ».
Elle commence alors à raconter que son dernier arrêt maladie a fait suite à un entretien de recadrage de son superviseur, la menaçant d’un nouvel entretien avec le N+1. Il lui reprochait de prendre trop de temps au téléphone avec le client, trop de temps pour tracer le dossier et faire les démarches, et de perdre du temps pour les pauses pipi. Elle était rentrée chez elle, bouleversée par cet entretien et le lendemain s’est sentie incapable d’aller travailler.
Elle explique alors facilement au médecin que ce qui compte pour elle, c’est de pouvoir répondre à la demande du client en difficulté et que les DMT ne le permettent pas. De plus, il arrive qu’elle ne soit pas satisfaite de la réponse qu’elle devrait faire selon la procédure. Dans ces cas, elle accepte parfois des souplesses de règlement qui ne sont pas prévues, et subit alors les reproches du superviseur lorsqu’il s’en aperçoit. Elle comprend qu’elle se sentait coupable vis à vis de son entreprise, mais au fond, elle ne regrette pas d’avoir agi selon sa conscience. Elle arrive à raconter les astuces qu’elle utilise pour arriver à régler les problèmes de ses clients, et réalise qu’elle en est fière. Mais elle ne peut plus en parler avec ses collègues, elle a changé d’équipe et de superviseur, elle ne leur fait plus confiance, « ils sont tous à fond pour l’entreprise, alors que moi je ne rentre pas dans le moule ». Elle ne veut pas mentir au client comme on lui demande, dire qu’elle est salariée de l’entreprise donneuse d’ordre, inventer des fausses explications pour les erreurs de dossiers, etc…
A la fin de la visite, elle dit avoir compris la situation et, avec le médecin, elle prend la décision d’une inaptitude.

3ème visite :
Le médecin revoit Mme P pour procéder à l’inaptitude afin qu’elle puisse quitter l’entreprise.
Mme P se sent soulagée, elle va mieux, elle est souriante, elle a des projets d’avenir.
Elle remercie pour le temps passé et elle tient à évoquer cette première visite qui lui a permis de retrouver ce dont elle avait parlé avec l’IST. Ce fut, d’après elle, le point de départ qui lui a permis de commencer à se reconstruire.
L’IST avait noté dans le DMT les éléments de vécu au travail de Mme P et surtout ce qu’elle avait compris avec elle. Cet entretien avait été oublié par la salariée, mais le fait d’y revenir lui a permis de reprendre son pouvoir d’agir et de penser, lui permettant de finaliser ensuite avec le médecin la compréhension de la situation.
Les écrits de l’IST ont permis au médecin d’avoir une vraie base de clinique dans le dossier.
Pour que cela soit possible, il faut donc que :

• L’IST puisse, avec l’accord et l’incitation du médecin, transcrire les éléments de la clinique médicale du travail qu’elle a recueilli.
• Ces écrits soient retranscrits dans le DMT sur le même support que le médecin afin de pouvoir être lus de façon chronologique, et être facilement accessibles.
• L’IST ne soit pas prise dans une rigidité d’écriture ou des croix à cocher.
• Le médecin accepte et encourage la liberté d’écriture de l’IST, ainsi que ses remarques, ses préconisations et les raisons pour lesquelles elle les fait.
• L’IST et le médecin écrivent toutes les phases de leurs décisions, par exemple l’orientation et la prise de rendez-vous de l’IST pour le médecin du travail.

 

4.4-2 Compléter les transmissions ciblées avec d’autres supports:

Les transmissions ciblées peuvent également être transcrites sur d’autres supports quand elles concernent un groupe de salariés, un atelier, un bureau ou bien toute une entreprise pour lesquels un diagnostic collectif de situations sanitaires avec plaintes, troubles, symptômes ou petits signes insolites répétés fait évoquer des situations de travail contraignantes avec des effets sur la santé (TMS, conflits sources de RPS, etc.). Ces écrits pourront participer en tout ou partie au courrier de veille ou d’alerte que le MdT adressera à l’employeur et aux instances représentatives.
Ce support papier ou informatique ira enrichir le dossier spécifique de l’entreprise, permettant les échanges au sein de l’équipe médicale afin de garder des événements médicaux importants pour le suivi des salariés de toute l’entreprise au cours du temps. Il est à distinguer du dossier partagé avec le reste de l’équipe pluridisciplinaire, évoqué au 4.1

4.4-3 Supports pour tous les autres écrits

Comme nous l’avons vu au 4-1, l’infirmière utilise les supports mis en place pour sa contribution aux écrits dans le cadre des obligations du médecin du travail, c’est-à-dire :

La rédaction de Fiches d’Entreprise peut être préparée par l’infirmière. Le médecin valide et signe tous les écrits de l’infirmière avant l’envoi dans les entreprises. L’infirmière peut mettre son nom à côté de celui du médecin et signer.

Vignette clinique 7

Participation de l’IST à la fiche d’entreprise

Petite maison de retraite, comprenant 10 lits, 8 salariés dont 5 auxiliaires de vie.

L’entreprise est abordée par l’équipe médicale lors d’un staff :
Au cours des visites périodiques, le médecin du travail voit Mme A, ASH dans la maison de retraite. Cette dernière souffre d’une tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite, pour laquelle le médecin fait un certificat de MP. Mme P est en difficultés dans son travail, surtout le WE, car elle est seule pour s’occuper des résidents non valides.
Pendant cette même période, l’IST voit en ESTI, Mme D, également ASH, âgée de 55 ans, qui se plaint de grandes difficultés pour arriver à tenir son poste, malgré les aménagements demandés par le médecin lors de la visite précédente. L’IST pense que l’application de ces aménagements de poste est mal vécue, du fait de la mauvaise organisation dans l’entreprise.
Le sujet de la maison de retraite est abordé en réunion d’équipe : L’équipe décide que l’IST aille faire une visite d’entreprise au prétexte de remettre à jour la fiche d’entreprise, afin d’étudier plus précisément la façon dont les salariés s’entraident et s’organisent.
A son retour, l’IST explique au MDT, qu’il y a effectivement des problèmes d’organisation du travail. Le personnel n’est pas assez nombreux, les plannings ne permettent pas toujours de travailler à 2 et donc de s’aider pour la manipulation des résidents les moins valides, il y a manifestement des incompréhensions et des animosités entre les salariés qui estiment que certains sont privilégiés. Mais l’IST s’est heurtée aux réticences du Directeur qui n’a pas voulu aborder certaines questions.

Le médecin demande alors un entretien avec le Directeur, et retourne dans l’entreprise avec l’IST. L’équipe aborde les problèmes d’organisation et demande au Directeur d’expliquer comment il tient compte des demandes d’aménagement de poste, existant pour 2 personnes dans une équipe de 9. La discussion permet au Directeur d’exprimer ses difficultés, ses exigences pour le personnel. Ces échanges ont permis de confirmer les impressions de l’IST et par conséquent au MDT de proposer des pistes d’amélioration d’organisation au Directeur.
Le médecin confie alors à l’IST la rédaction de la fiche d’entreprise qui permet de tracer par écrit le contenu des échanges avec la Direction. L’IST aborde le CR de la fiche d’entreprise en s’appuyant sur ce qu’elle a constaté du point de vue ergonomique et surtout sur ce qu’elle a compris et perçu des problèmes d’organisation, de travail en équipe. Elle note notamment, les problèmes de répartition de la charge de travail pour tenir compte des restrictions d’aptitude, la surcharge de travail occasionnée par la déficience d’intervention du SIAD, les difficultés de mettre en place des plannings avec des petites équipes, le manque d’échange et de possibilité d’expression des auxiliaires de vie, le sentiment d’éloignement ou d’incompréhension de la Direction concernant les préoccupations éthiques du personnel.
Le médecin s’appuie donc sur ces écrits et rédige alors la conclusion en pointant les pistes d’amélioration proposées à la Direction, en particulier un travail de dialogue et de recherche de solution en équipe.

L’IST a pu participer activement à la rédaction de la fiche d’entreprise, et donc assister le médecin dans son travail d’écriture sur des problèmes collectifs. Pour cela :

• L’IST a pu échanger avec le médecin pour repérer les problèmes à pointer et valider l’orientation à donner à la fiche d’entreprise.
• L’IST a tracé tout ce qu’elle avait pu comprendre de la situation de travail.
• Le médecin a fait les propositions à l’entreprise en reprenant sous sa responsabilité l’observation de l’IST, et en envoyant la fiche d’entreprise sous sa signature.

 

La visite par l’infirmière des lieux de travail, les études de postes réalisées à la demande du médecin du travail permettent d’analyser l’activité réelle des salariés, et leurs difficultés concrètes, en observant, et en discutant avec les collectifs qui font ce travail, sur les lieux même de leur travail. Ces actions font l’objet d’un rapport écrit de l’infirmière qui permet au médecin du travail d’enrichir sa connaissance de l’entreprise et de réaliser un écrit à destination de l’entreprise.

Vignette clinique 8


Etude de poste

Madame X, 49 ans, travaille dans un centre d’appel pour le secteur bancaire depuis 4 ans.

1ère visite :
Le 31 aout 2012, Mme X vient en visite de reprise suite à un arrêt maladie de 2 mois et une semaine, pour une épicondylite droite.
Les premières constatations ont été faites début 2012 par le médecin traitant, ainsi qu’une déclaration de maladie professionnelle le 21 Mars 2012. Suite à un premier arrêt de quinze jours associé à un traitement anti-inflammatoire, Mme X a repris son activité avec une amélioration des douleurs dans un premier temps, puis une augmentation de la douleur début juin ce qui a conduit à son arrêt du 18 juin au 26 aout. Le médecin du travail constate ce jour la disparition totale des symptômes, il conclut donc à la reprise de Mme X, mais souhaite, pour envisager un aménagement du poste de travail et un suivi rapproché de la salariée, une étude de son poste de travail.

Staff :
Le médecin fait passer le dossier de Mme X en staff et demande à l’IST de réaliser une étude de poste pour identifier plus précisément l’origine de la problématique.

Etude de poste :
L’étude de poste est réalisée par l’IST le 12 septembre 2012. L’IST réalise ensuite un compte-rendu de son observation, accompagné de photographies mettant en évidence les postures contraignantes pour la salariée, ainsi que des propositions d’aménagement de poste avec acquisition de matériel pouvant améliorer ces postures.

Staff :
L’étude du compte rendu qui préconise notamment le remplacement de la souris filaire et du repose poignets par un modèle de souris centrale positionnée au centre d’un repose poignet pour le clavier (référence et photos communiqués dans le compte rendu).
La discussion entre le MDT et l’IST permet de valider ce choix et le MDT réalise un courrier accompagnateur du compte rendu qui est envoyé à l’employeur. Dans les semaines qui suivent le MDT communique par téléphone avec l’employeur qui décide de faire l’acquisition du matériel recommandé.
Un contact téléphonique aura lieu entre l’IST et Mme X en décembre 2012 qui permettra de constater que cette dernière va bien et s’habitue à son nouveau matériel sans difficulté.

2e visite :
Le 8 avril 2014, Mme X est convoquée pour sa visite périodique avec le médecin du travail. Ce dernier constate qu’aucune douleur n’est réapparue depuis l’aménagement du poste de travail et que l’adaptation à ce nouveau matériel s’est faite sans difficulté et donne même entière satisfaction à la salariée.

 

La participation de l’infirmière au CHSCT fait l’objet d’un CR écrit de ce qu’elle a entendu, staffé au médecin du travail et versé au dossier de l’entreprise.

Enquêtes et études y compris épidémiologiques et de veille sanitaire : l’infirmière peut concourir au recueil d’observations et d’informations dans une perspective à la fois de mise en visibilité des risques et des contraintes professionnels, de mise en visibilité des atteintes à la santé au travail.

Ecriture dans le dossier partagé avec le reste de l’équipe pluridisciplinaire sur des éléments ne concernant pas les éléments médicaux des salariés suite à des activités en milieu de travail réalisées par l’infirmière seule ou à l’occasion d’une approche en pluridisciplinarité avec, par exemple, des ergonomes.

Nous citerons également la monographie décrivant les histoires cliniques écrites par l’IST, du point de vue de la santé au travail pour instruire le rôle du travail dans les manifestations de souffrance, en élaborant des questionnements sur le lien entre santé et travail et en montrant à partir de quoi ils sont construits. Elles peuvent être une base de travail dans les groupes de pairs IST ou pour des réflexions regroupant médecins et infirmiers.

4.5- Compléter avec les transmissions orales

Communiquer ne consiste pas seulement à émettre, transmettre ou recevoir une information. C'est aussi comprendre cette information et surtout établir une relation entre un émetteur et un récepteur pour réaliser un travail en commun.

Les transmissions orales permettent de vérifier la compréhension du message. Elles peuvent être réalisées lors du staff régulier permettant de revoir certains dossiers de salariés « à problème », mais aussi de façon tout à fait informelle à l’occasion de rencontres non programmées ou de besoins plus ou moins urgents d’échanger à l’initiative de l’un des membres de l’équipe médicale.
Elles s'adaptent à la personne, au lieu et au moment choisi. Elles provoquent des réactions immédiates, le réajustement du contenu est donc possible, elles permettent l'échange et donc la possibilité de compléter l'information.
L'inconvénient majeur de ce mode de transmission c'est qu'il est fugace, sans trace, sans valeur juridique, l'émetteur peut être influencé par de fausses perceptions, interprétable et incontrôlable.

C'est pourquoi il ne peut se suffire à lui-même, c'est un type d'échanges riches, indispensable à la qualité du travail qui vient en complément des transmissions ciblées écrites.

Vignette clinique 9

Ecrits dans le dossier de l’entreprise

Il s’agit d’une entreprise de nettoyage, qui prend en charge l'entretien des chambres d'un hôtel de 500 lits. Pour cela l’entreprise met en place une équipe de 17 femmes de chambres, une gouvernante et un inspecteur de chantier. Les femmes de chambres sont réparties en deux équipes distinctes qui travaillent en alternance sur une plage horaire allant de 10H00 à 15H00 7 jours sur 7.

Suite aux ESTI réalisés de Mars à Juin 2014, l’IST constate un sentiment assez global de mal être au travail, avec des problématiques de douleurs et de stress. Ces remarques sont notifiées sur le tableau de suivi de l’entreprise, et évoquées en staff.
Au cours du staff, le MDT confirme que les quelques visites de reprise faites pendant la période des ESTI vont plutôt dans le sens des constats de l’IST. Le MDT décide alors de faire une analyse de tous les dossiers du personnel de l’entreprise qui travaille pour cet hôtel. L’IST reprend donc tous les dossiers pour quantifier les difficultés exprimées par les salariés.
Après l’étude des 17 dossiers les constatations sont les suivantes :

  • 3 salariés expriment une ambiance tendue
  • 4 se disent stressés par la charge de travail et l’organisation du travail
  • 3 parlent de dépassement d’horaires
  • 9 disent ne pas pouvoir prendre de pause déjeuner
  • 4 évoquent des douleurs rachidiennes
  • 5 décrivent des douleurs au niveau des membres supérieurs
  • 2 témoignent d’une amélioration depuis leur changement d’équipe.

Dans un même temps, les salariés de l’hôtel concerné sont convoqués en visite périodique et en ESTI sur la période allant de Juin à septembre 2014. Au cours d’un staff le bilan est fait en équipe et le constat est le suivant, les problématiques de charge de travail et d’organisation du travail n’apparaissent pas pour les salariés de cet hôtel, il n’y a aucune constatation de mal être au travail pour ces salariés. Une réflexion est menée pour identifier un moyen d'action efficace pour améliorer les conditions de travail des femmes de chambre de cet hôtel.

La décision est prise en équipe d'intervenir pour les femmes de chambres auprès de la direction de l'hôtel et de leur employeur en simultanée. A la demande du MDT un rendez-vous est fixé en Novembre 2014 entre l’employeur, la direction de l’hôtel et l’équipe médicale, afin d’évoquer les différentes difficultés exprimées par les femmes de chambres. Cet entretien a permis de mettre à jour les difficultés d'organisation du travail relevées dans l'ensemble des dossiers de l'entreprise de nettoyage. Des pistes d'amélioration des conditions de travail ont pu être trouvées en commun entre le donneur d'ordre et l'employeur sous-traitant.

Dans cette histoire il n’y a eu aucun écrit en dehors du suivi individuel des salariés. Il n’y a eu que des échanges verbaux pendant les staffs, à chaque étape, basés sur des habitudes de travail et l’ancienneté de l’équipe, mais cela comporte des risques :

• C’est un travail sans traçabilité pour le médecin comme pour l’infirmière.
• Avec une possibilité de perte d’informations.
• Et un manque de visibilité du travail de chacun au sein de l’équipe.

Il peut donc être important que l’infirmière réalise une synthèse écrite pour le staff avec le médecin comportant la présentation du salarié, sa situation professionnelle et l’évènement déclenchant et ce qui fait difficulté , le constat de santé donc le diagnostic infirmier.

Dispute professionnelle-4

Comment articuler les collaborations dans l’équipe médicale pour les Ecrits dans le DMST ?
Et les Ecrits à destination de l’employeur? 

  • Quelle écriture de l’infirmier au DMST ?
  • Quelles règles professionnelles pour les différents écrits de l’IST ?
  • Comment peut-il tracer par écrit sa responsabilité professionnelle propre en cas de besoin ?
  • Quelle place pour les groupes de pairs entre IST

________________________________________

-48-Article « L'analyse des compétences infirmières lors d'une situation d'évaluation clinique et diagnostique », G.PEDARRIBES et G.LEFEUVRE ; SFSP Santé Publique vol.26/N°5-sept oct 2014

-49- Mémoire : « les transmissions ciblées : du raisonnement clinique à la qualité des pratiques professionnelles » I.SIGUIE

-50- Revue SOINS N°742 janvier/février 2010 « du raisonnement clinique à la pratique infirmière »

-51- Mémoire : « les transmissions ciblées : du raisonnement clinique à la qualité des pratiques professionnelles » I.SIGUIE

-52-Revue SOINS N°742 janvier/février 2010 « du raisonnement clinique à la pratique infirmière »

-53-Recommandation HAS sur le DMST
Le DMST est tenu par le médecin du travail. Il peut être alimenté et consulté par les personnels infirmiers du travail collaborateurs du médecin du travail, sous la responsabilité et avec l’accord du médecin du travail, dans le respect du secret professionnel et dans la limite de ce qui est strictement nécessaire à l’exercice de leur mission.

-54-Revue SOINS N°742 janvier/février 2010 « du raisonnement clinique à la pratique infirmière »

-55- Synthèse des recommandations professionnelles de l’HAS concernant le dossier médical en santé au travail (DMST). Janvier 2009: “le DMST est tenu par le médecin du travail. Il peut être alimenté et consulté par les personnels infirmiers du travail, collaborateurs du médecin du travail, sous la responsabilité et avec l’accord du médecin du travail, dans le respect du secret professionnel et dans la limite de ce qui est strictement nécessaire à l’exercice de leurs missions.”

-56- Katia WANQUET, licence mention santé travail -2010-2011

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En guise de CONCLUSION

Repères pour les pratiques professionnelles et Disputes professionnelles

Un questionnement des « Repères pour les pratiques professionnelles » de ce Livret, rassemblées par un groupe de travail infirmières et médecins du travail, est soumis aux « disputes professionnelles » des participants au Colloque du 5 juin 2015, et au-delà, de la communauté professionnelle, pour en relever les avancées, impasses, questions non résolues, afin de progresser dans nos pratiques médicales, IST et médecins du travail.
Des « Vignettes cliniques » en faciliteront la compréhension pour les pratiques professionnelles.

Ce questionnement est décliné en quatre Séquences.

1- Le binôme médecin du travail - infirmière (IST) utilise comme grille de lecture le travail, socle de la clinique médicale du travail et de l’instruction des liens santé-travail. Que serait une consultation d’infirmière en santé au travail ? Cette approche est-elle différente selon que l’entretien est mené par le médecin ou l’infirmière?

2- Donner à voir ses règles professionnelles permet l’installation de la confiance dans cette équipe médicale. Quelles modalités d’une collaboration clinique respectueuse IST – M du T ? Comment l’infirmière peut-elle construire alors son métier ? Quelles places pour cela pour les groupes de pairs ? Le staff hebdomadaire permet-il de reprendre les cas difficiles ?

3- Comment rédiger un protocole pour l’ESTI, support de l’engagement de responsabilité du médecin, et de la collaboration entre nos deux métiers. Qui rédige un tel protocole ? En quoi l’existence de protocoles protège-t-elle l’exercice professionnel de l’IST ? Dans le métier d’IST, quelle place pour le « care », le « prendre soin » ; quelle articulation spécifique avec le « travailler » ?

4- Comment articuler les collaborations dans l’équipe médicale pour les Ecrits dans le DMST ? Et les Ecrits à destination de l’employeur ? Quelle écriture de l’infirmière au DMST ? Quelles règles professionnelles pour les différents écrits de l’IST ? Comment peut-elle tracer par écrit sa responsabilité professionnelle propre en cas de besoin ? Quelle place pour les groupes de pairs entre IST ?

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